Social : du mou dans la gâchette

Social : du mou dans la gâchette

Alors que les plus démunis sombrent un peu plus dans la misère, alors que les classes moyennes fabriquées au lendemain de la seconde guerre mondiale pour imposer une société de consommation dont on aperçoit clairement les limites aujourd’hui se paupérisent et commencent à perdre patience, alors que les mesures prises favorisent toujours les plus riches, alors que la pandémie a accéléré le creusement du fossé des inégalités, Béziers reste plus que jamais le dernier -ou presque- de la classe avec un taux de chômage record et un niveau de pauvreté qui dépasse l’entendement puisqu’il touche plus d’un tiers des Biterrois.

Si le Département travaille à développer l’ouest du territoire avec un bassin d’emploi qui pourrait voir le jour grâce au fort potentiel existant sur le domaine de Bayssan, si la Région a choisi de soutenir les acteurs de la fabrication d’un combustible à hydrogène du côté de la Cameron et à terme sur plusieurs sites du Biterrois, les effets magiques sur le marché du travail du monstrueux carnet d’adresses d’industriels et autres entrepreneurs censé être mis à la disposition de la ville par le Maire de Béziers dès 2014 se font toujours attendre. En effet, le taux de chômage des 15 à 64 ans est passé de 21,9% fin 2013 à 23,4% en 2019 avec une mention spéciale pour les moins de 24 ans qui sont près de 40% à pointer à Pôle Emploi, le tout alors que plus de la moitié des offres d’embauche proposent des CDD de moins de 6 mois. Tout va bien à Béziers, plus sûre, plus propre, plus belle…

Les villages Potemkine étaient des façades en carton-pâte destinés à cacher la misère du peuple à l’impératrice Catherine II de Russie. À Béziers, des subterfuges du même genre semblent être utilisés. Certes, les façades ont retrouvé leur lustre passé, mais derrière les murs la réalité demeure. Béziers se trouve dans une situation sociale très difficile avec un taux de pauvreté des ménages qui atteint les 34%, dépasse les 40% pour les moins de 49 ans et culmine à 45% pour les moins de 30 ans. D’ailleurs, un véritable contraste existe entre la ville centre et sa périphérie car l’arrondissement de Béziers a un taux de pauvreté inférieur de 12 points à celui de la ville.

Cela se traduit aussi par la surreprésentation de familles monoparentales et de ménages touchant les minima sociaux que le géographe Dominique Crozat qualifie de véritable « choc de pauvreté ». Résultat :les bas loyers du centre-ville attirant les populations les plus défavorisées, les classes moyennes s’en éloignent ce qui accentue de fait la paupérisation de l’hyper centre et la fin de la mixité sociale. Une situation qui permet ensuite de dire que les gens ne veulent pas vivre ensemble. Ou quand la lutte contre la précarité devient celle contre les précaires. Ces mauvais chiffres s’expliquent par les difficultés économiques que connaît la ville avec pour conséquences un chômage supérieur aux villes voisines et à l’ensemble de l’arrondissement, et des salaires plus faibles que partout ailleurs.

De plus, l’effet sur l’emploi durable tant attendu n’est toujours pas au rendez-vous d’un Biterrois soumis aux variations saisonnières du travail dues à la forte activité partielle des secteurs du tourisme et de l’agriculture. Face à cette problématique, seul un projet économique d’ampleur pensé à long terme par les acteurs du territoire permettra de relever le défi de la réussite. Pour cela, il faut identifier les atouts et les faiblesses d’une ville qui se trouve marginalisée à bien des égards, notamment politiquement, et mobiliser les forces locales en faveur de projets destinés au plus grand nombre. Cela passe à la fois par du réalisme, de l’audace et moins de démagogie.

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