Rose Bernadou, la force tranquille
Photo : DR

Rose Bernadou, la force tranquille

Originaire de Cessenon-sur-Orb, Rose Bernadou, âgée de 22 ans, évolue au poste de pilier droit après avoir joué 3ème ligne centre en équipes de jeunes. Rose a débuté aux Rives-d’Orb, puis est passée par l’ASBH en cadette avant de signer au MHR. Elle a depuis intégré l’équipe de France de rugby où elle a gagné le surnom de « Rose bleue ». Avec la sélection nationale, elle espère faire partie du voyage en Nouvelle-Zélande cet automne à l’occasion de la Coupe du monde féminine de rugby. Fin 2021, le très sérieux magazine Rugby World la classe 13ème sur 100 des meilleurs joueurs de l’année, hommes et femmes confondus.

Comment êtes-vous venue au rugby ?
C’est ma mère qui m’y a amenée. Une de ses amies avait inscrit sa fille au club des Rives-d’Orb. Elle s’est dit pourquoi pas en faire de même avec moi ? Finalement, j’y ai joué de 8 à 15 ans. Dans la famille on jouait au rugby, mon père notamment. Mais lui n’était pas trop chaud pour que je pratique ce sport.

Et maintenant, il est content ou pas ?
Oh oui ! Il est content de l’évolution de ma carrière.

Comment avez-vous pu concilier le sport de haut niveau et les études ?
Tout cela a été très compliqué. J’ai commencé par STAPS à Montpellier. Puis, je suis partie en BTS, mais j’ai dû arrêter. Le rugby me prenait trop de temps. Heureusement, mes parents ont été conciliants. Ils m’ont permis de mettre mes études entre parenthèses et j’ai pris une année pour me consacrer totalement à l’équipe de France et au MHR. Ils me suivent à fond pour que je puisse me préparer sereinement à la coupe du monde. Je reprendrai mes études après. Et j’aimerai bien travailler avec des enfants ou avec nos aînés.

Est-ce que vous auriez pu parvenir à ce niveau (études plus sport) tout en restant à Béziers ?
Non, je ne pense pas. C’est énormément d’investissement et pour être repérée il fallait partir jouer ailleurs.

Est-il facile, selon vous, de mener de front des études et du sport à très haut niveau ?
Pour moi, cela a été compliqué. Quand je fais quelque chose, j’aime bien le faire à fond et là, je n’y parvenais pas. J’ai donc fait le choix de ne jouer que sur un seul tableau : le rugby. Mener de front deux projets comme cela me demandait énormément d’investissement et je n’y suis pas arrivée.

Aujourd’hui, vous avez le statut de professionnelle ?
Je suis semi-pro en équipe de France, mais pas à Montpellier. Pour l’instant, je gagne ma vie et je n’ai pas besoin de trouver autre chose. J’ai un vrai contrat avec la fédération.

Est-ce que vous trouvez que l’on laisse suffisamment de place au sport féminin, dans les médias notamment ?
C’est le débat ça. Le tennis, chez les femmes, est très bien médiatisé. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Elles gagnent d’ailleurs très bien leur vie, comme les hommes. Le foot, ça va mieux, ça avance même plutôt bien. Pour le rugby… c’est encore compliqué.

Vous expliquez comment ce manque d’intérêt pour le rugby féminin ? Le jeu est pourtant plaisant, rapide et technique.
C’est un peu le serpent qui se mord la queue. En France, au niveau national, les filles ne sont pas professionnelles, elles ne gagnent pas d’argent, ça ne rapporte pas aux clubs, donc ça n’attire pas les sponsors, ni les médias et on tourne en rond.

BITERRE6-ok.indd

Je m’éclate sur un terrain, c’est ce qui compte le plus

Comment le vivez-vous ?
C’est dur, car nous sommes très investies dans ce que nous faisons. Mais après, je ne m’en plaint pas, parce que je ne fais pas ça pour l’argent. Je le fais pour moi. Je m’éclate sur un terrain et c’est bien ce qui compte le plus. C’est la passion qui gagne. Pour autant, la médiatisation aidera pour les futures générations. On en fait autant que les garçons. Aujourd’hui, s’il n’y avait pas la FFR, je ne pourrais pas envisager autre chose que le sport amateur. Gérer un boulot ou des enfants, voire les deux ce serait impossible à concilier avec une vie de sportive de haut niveau. Il faut imaginer la charge d’entraînement que nous avons pour comprendre ce que les filles vivent aujourd’hui.

Qu’est ce que cela représente en termes de temps de faire partie de l’équipe nationale ?
Beaucoup, beaucoup d’entraînements ; de grosses préparations en plus de ce que nous faisons en club. C’est une énorme charge physique.

Dans la famille Bernadou, comment a-t-on vu évoluer Rose dans le rugby ?
Je n’en ai pas vraiment discuté avec ma famille. Mon père m’a vu jouer et a compris que j’avais un potentiel à exploiter. Il a été content que je révèle mes capacités.

Comment fait-on ce choix de prendre la direction du sport de haut niveau quand on est tout jeune ?
En ce qui me concerne, mon père a été très présent. Il m’a beaucoup épaulé. Il m’a conseillé dans tous mes choix, mais ne m’a jamais rien imposé. J’ai toujours été maître de la situation et de mon avenir. J’avais envie d’y aller et quand on a une furieuse envie, je pense qu’on peut le faire.

Comment compareriez-vous les niveaux de jeu des filles et des garçons ?
Ce sont deux jeux complètement différents. Les garçons ont des gabarits imposants. Ils sont très costauds. Nous, nous essayons de jouer davantage dans la rapidité, dans du jeu pénétrant, intelligent (éclats de rire) ; les garçons sont un peu brutes, ils me font crier derrière ma télé quand je les vois faire. Ils se rentrent dedans et ce n’est pas toujours justifié.

Vous vous voyez jouer jusqu’à quel âge ?
Franchement, je ne me suis jamais posé la question. Cela dépend aussi des aléas de la vie, mais au moins jusqu’à mes 30 ans.

Photo : DR

Laisser un commentaire