Maires au bord de la crise de nerfs

Maires au bord de la crise de nerfs

Le véritable big bang institutionnel et territorial se produit en 2014-2015 avec les lois MAPTAM et NOTRe qui instituent une nouvelle architecture centrée sur le binôme région-intercommunalité et fusionnent les régions qui passent dans l’hexagone de 22 à 13. Ces lois créent également des métropoles aux compétences élargies et, en région lyonnaise, le département du Rhône et la métropole fusionnent carrément. Forts de ce constat, on ne donne pas cher de l’avenir des communes et des départements, qui, sous le motif de réduire le millefeuille administratif français, est pourtant rendu encore plus touffu par 30 ans de « réformes ».

Beaucoup de maires et d’élus locaux se sentent alors dépossédés et désarmés face aux problèmes de leurs concitoyens. La mise en avant de métropoles qui se livrent une concurrence féroce entre-elles est un autre élément de ce nouveau contexte, même si la crise des gilets jaunes semble avoir ralenti cet élan. En effet, la mise à l’écart des corps intermédiaires a rendu le pouvoir central très seul face à la contestation populaire au cours d’une crise qui était en grande partie liée aux questions d’aménagement et d’égalité des territoires. En réalité, via le levier fiscal, l’État garde la mainmise sur les collectivités locales et leur impose ses volontés. Le transfert de la Cotisation Foncière des Entreprises (an- ciennement Taxe Professionnelle) aux in- tercommunalités puis la suppression de la taxe d’habitation ont d’autant plus réduit l’autonomie financière locale.

Par ailleurs, depuis 2012, les DGF (Dotations Globales de Fonctionnement) accordées par l’État ont été réduites de plus de 10 milliards et d’ici 2027 elles vont encore fondre avec le Programme de Stabilité Budgétaire (PSTAB) qui impose une réduction des dépenses de 0,5% par an. Les collectivités se trouvent désormais également en concurrence entre elles pour obtenir des crédits à travers des programmes d’État ou des fonds européens. Cette philosophie qui ne confine plus à l’intérêt général mais à la généralisation de la compétition entre les territoires, produit des effets délétères qui accentuent les fractures françaises. Il serait plus que temps que la technocratie macronienne songe à se reconnecter avec le réel et les élus de terrain.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Dire que les élus locaux des communes de moins de 5000 habitants et leurs administrations sont dépassés par une gestion toujours plus lourde est un doux euphémisme. Comment pourrait-il en être autrement quand les lois, normes et réglementations -parfois contradictoires- se reproduisent à la vitesse de lapins de garenne ? Dans un même temps, les dotations de l’État s’effondrent alors que les coûts de fonctionnement des communes explosent et que les collectivités aux budgets de plus en plus serrés sont dans l’impossibilité de recruter des agents de qualité et suffisamment formés pour faire face à la surcharge de travail de manière efficace. Une situation qui conduit les maires à externaliser une partie du travail et, in fine, à transférer leur compétence majeure, l’urbanisme, aux intercommunalités.

Ainsi déshabillés de leurs principales prérogatives (eau, assainissement, collecte des déchets, urbanisme, tourisme, développement écono- mique…), on peut se demander à quoi servent encore les maires, si ce n’est à inaugurer les chrysantèmes ou à essuyer à longueur de journée la colère et la frustation de leurs administrés face à la lenteur et à l’inefficacité coupable des tout-puissants services de l’État, qui, bien à l’abri derrière leurs ordinateurs depuis lesquels ils multiplient mails, recommandations et injonctions comminatoires, ne sont jamais les derniers lorsque survient un problème à pointer du doigt les élus locaux qui se demandent tous les jours ce qu’ils sont allés faire dans cette galère.

Pour comprendre la situation, il suffit de quelques chiffres :
– En 40 ans, le Code de l’Urbanisme est passé de 600 à 3200 pages ;

– En 20 ans, le Code Général des Collectivités Territoriales a triplé ;
– En 10 ans, le Code de l’Environnement a été multiplié par dix.

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