L’oeil de l’expert

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Le rôle des offices de tourisme depuis la loi NOTRe : une politique touristique qui se doit d’être réellement intercommunale

Avec près de 90 millions de visiteurs étrangers en 2018, la France s’enorgueillit d’être la première destination touristique au monde. Un chiffre qui inclut les personnes qui ne font que traverser notre territoire pour regagner leur villégiature espagnole ou italienne et celles qui sont en transit dans les aéroports internationaux de Paris… ce qui doit tout de même nous amener à relativiser le nombre de touristes à proprement parler qui « séjournent » et, surtout, consomment dans notre pays. Pour organiser au mieux l’accueil, le séjour et la mise en valeur du patrimoine culturel, historique, religieux, gastronomique, l’État a fait du tourisme une compétence « partagée » entre tous les échelons territoriaux. Mais ce sont les régions qui, avec la loi n°2015-991 du 7 Août 2015 de Nouvelle Organisation Territoriale de la publique (loi « NOTRe »), en deviennent les acteurs majeurs en héritant du développement économique. Cette même loi NOTRe a également renforcé le rôle des intercommunalités en leur transférant au 1er janvier 2017 la compétence obligatoire en matière de promotion du tourisme.

Les intercommunalités auxquelles la compétence a été transférée peuvent donc créer des offices de tourisme et en déterminer le statut : EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial), SEML (société d’économie mixte locale), SPL (société publique locale), GIE (groupement d’intérêt économique).
Un office de tourisme exerce des missions obligatoires d’accueil, d’information, de promotion touristique et de mise en réseau des socio-professionnels, et optionnelles avec la commercialisation de prestations. L’office de tourisme peut également faire l’objet d’un classement, facultatif, qui met en avant les communes qui s’investissent dans la mise en œuvre d’une politique touristique sur leur territoire. Dans ce cas, ces collectivités peuvent bénéficier de la dénomination « commune touristique », voire même devenir, dans le cas d’une politique touristique d’excellence, « station de tourisme ».

Si la loi NOTRe ambitionnait de donner plus de cohérence à la politique du tourisme, son application ne s’est pas faite sans heurts. Nombre de communes y ont vu une preuve supplémentaire de leur démantèlement au profit des intercommunalités. Arc-boutées sur le matelas financier que constitue la taxe de séjour, une forte proportion de stations classées de tourisme ou de territoires disposant d’une marque territoriale protégée, comme Vittel ou Vichy, ont bataillé des années durant pour finalement obtenir de l’État le droit de s’exonérer en partie de ce transfert de compétence. C’est ainsi que certaines stations littorales, pour ne parler que d’elles, continuent à disposer de leur propre office de tourisme communal, alors même que la compétence appartient depuis 2017 à l’intercommunalité. Tel est le cas dans le Grand Narbonne qui dispose de son OT intercommunal mais doit composer, sur son territoire, avec les OT des communes de Gruissan et de Port-la-Nouvelle. La solidarité a tout de même ses limites…

Tel n’est pas le cas au sein de l’agglomération Béziers-Méditerranée qui pilote la compétence tourisme au mieux des intérêts de l’ensemble des communes membres… Enfin, seulement en apparence. Car l’épisode de l’affiche où l’on voyait la mer au pied de la cathédrale Saint-Nazaire, affiche dénoncée par le nouveau directeur de l’OT aussitôt débarqué, rappelle que le risque d’une captation de la manne touristique au profit de la seule ville centre est un danger politique bien réel pour les communes littorales de la CABM. Penser que l’on peut berner le touriste hexagonal, mais aussi et surtout celui d’Europe du Nord, au pouvoir d’achat plus important, en lui faisant prendre des vessies pour des lanternes peut marcher une fois. Mais lorsqu’il réalisera que, contrairement à ce que l’on a voulu lui vendre, il lui faudra encore 15 minutes en voiture depuis l’Acropole biterroise pour accéder à la plage, l’estranger risque de mal goûter à l’humour local du maire de Béziers, doublement président, de l’agglomération et de l’office du tourisme. Ce cumul des fonctions et des postes politiques, présenté comme un gage d’efficacité et de réactivité, confine en fait au mélange des genres et des intérêts au profit de Béziers, seule. Cette réalité risque en définitive de porter ombrage aux communes du grand biterrois. En effet, non seulement ce touriste déçu ne manquera pas de s’en faire l’écho sur les réseaux sociaux, recommandant en live à ses amis et autres followers de ne pas venir en Biterre… Mais, surtout, que croyez-vous que ce même touriste, pris une fois en flagrant délit de confiance dans un récit bien trop éloigné de la réalité géographique locale, fera l’année suivante ? Il ira, avec armes, bagages, famille et amis, faire le bonheur des autres stations littorales françaises… s’il ne pousse pas son voyage jusqu’en Espagne ou en Italie.

Non, la plage n’est pas aux pieds de Saint- Nazaire, pas plus que la mer ne mouille ceux de Saint-Jacques d’ailleurs… à moins que le maire de Béziers n’anticipe sur les conséquences du réchauffement climatique qui verra inexorablement les eaux monter, monter, monter… jusqu’à Saint-Nazaire ?

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