Interview de Laure Gauthier
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Interview de Laure Gauthier

Coordinatrice du réseau de médiathèques de La Domitienne

Laure Gautier, présentez-nous la structure que vous dirigez.
Le Réseau intercommunal des médiathèques en Domitienne est constitué de 8 médiathèques municipales. Situées au cœur de chaque commune, elles permettent à tous les Domitiens un lien direct et quotidien avec les médias culturels et des maisons populaires où chacun peut venir passer un moment en toute convivialité, se rencontrer autour d’une animation ou à travers le choix de livres, films, musique… Notre travail consiste à faire de l’accès de tous à la culture un vecteur de cohésion sociale. Les médiathèques, lieux d’émancipation et d’expression pour tous doivent répondre à 3 missions fondamentales : culture et loisir, formation et information, sociabilité et citoyenneté. Une médiathèque n’est pas qu’un simple réservoir de livres ; une véritable politique d’animation culturelle est donc mise en œuvre pour mettre en valeur les collections, toucher de nouveaux publics peu sensibilisés à la lecture et à la culture, se faire l’écho de l’actualité et proposer des pistes de lecture de l’information, former des usagers-citoyens. Nouveauté depuis septembre 2021, une ludothèque itinérante et intercommunale vient compléter l’offre de services du Réseau.

Quels sont les avantages d’un regroupement des médiathèques au sein d’une intercommunalité?
La mise en réseau vient apporter une dimension de mutualisation et de coopération aux projets de lecture publique sur le territoire, permettant une meilleure visibilité et donnant plus de corps à nos actions. Au total, le Réseau agrège une trentaine de membres : agents de 8 municipalités différentes, de l’intercommunalité et bénévoles. Pour fonctionner et faire équipe, un accord de toutes les parties a été formalisé par voie de convention, et nous coopérons sur la base d’un diagnostic partagé et d’objectifs communs. Des exemples concrets : le fonds documentaire est intercommunal et circule entre les médiathèques, permettant aux usagers l’accès à l’ensemble du catalogue fort de plus de 100000 références. Cette mutualisation influence aussi nos modes d’acquisition : on va privilégier l’achat de titres différents plutôt que 8 fois le même document, nous permettant de redéployer les crédits vers des ouvrages de petits éditeurs ou d’auteurs peu connus. Autre exemple sur le volet de la politique d’animation : en associant les programmes municipaux et intercommunaux, nous proposons une large offre d’action culturelle qui gagne en visibilité et touche plus de participants, qui peuvent librement circuler d’un établissement à l’autre. Un autre volet de la mutualisation concerne l’équipement numérique, qui là encore gagne en rationalisation tant sur le plan économique que sur celui des usages.

Le livre, comme l’ensemble de la culture, souffre depuis bien avant la crise sanitaire. Comment, à votre niveau, pouvez-vous soutenir ses acteurs, qu’ils soient auteurs ou éditeurs ?
Nous nous inscrivons comme maillon de la chaîne du livre, en lien direct avec les lecteurs. Signataires de la Charte nationale des manifestations littéraires, nous organisons notamment « Dessine-moi une histoire », qui sont des rencontres avec des illustrateurs jeunesse, auprès des scolaires et du grand public. Nous travaillons majoritairement avec des illustrateurs régionaux, pour soutenir ce secteur qui est particulièrement précaire.

En 1981, la loi Lang a instauré le prix unique du livre afin de limiter la concurrence et développer la lecture. Certains continuent de soutenir cette mesure quand d’autres parlent de perversion*. Que pensez-vous de cette loi qui vient tout juste de fêter ses 40 ans ?
L’exception culturelle française est mise à mal et se doit d’être défendue, je pense au statut d’intermittent du spectacle, ou à la loi sur le prix unique du livre, qui n’existent pas dans tous les pays. Cette loi avait d’abord pour objectif de protéger les librairies des circuits de grande distribution. Elle a évolué avec l’instauration du prix unique sur le livre numérique. Reste la concurrence des plateformes de e-commerce et les frais de port pratiqués, mais là encore le législateur entend protéger la librairie. De fait, la France est le pays qui compte le plus de librairies par habitant au monde. Mais la loi seule ne peut pas tout, l’acte citoyen compte aussi.

Le futur du livre et de la lecture publique en Domitienne ?
Avant la crise sanitaire de 2020, nous avions obtenu des records de fréquentation et de prêts. Avec la mise en place d’une stratégie basée notamment sur la diversification de l’offre et une attention particulière portée à la jeunesse et aux personnes « éloignées » de la culture, nous avons élargi nos établissements à de nouveaux publics. C’est un effort constant de remise en question et d’innovation, qui porte ses fruits. Avec une équipe de professionnels solide et passionnée, j’envisage notre futur de manière résolument optimiste… !

*Dans un entretien au journal Le Pays Briard du 10 mars 2020, l’éditeur Stéphane Million déclarait que le prix unique du livre était une « perversion ». Stéphane Million vient d’être nommé directeur de la Médiathèque André-Malraux de Béziers.

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