Interview de François Sangalli

Interview de François Sangalli

François Sangalli

Né le 8 septembre 1952
Champion de France : 1979 (Narbonne)
Challenge Du Manoir 1974, 1978 et 1979 (Narbonne)
15 sélections en équipe de France
Grand Chelem en 1977

Que vous inspire la situation de l’ASBH et du Racing Club Narbonnais aujourd’hui ?

Aujourd’hui, nous ne pouvons faire que le constat qu’ils sont à leur place, à leur niveau, en Fédérale 1 ou bien en PRO D2 car comme de nombreux clubs phares des années 70-80, ils n’ont pas pu aller plus loin avec le professionnalisme faute de moyens, même si Béziers est resté un temps dans l’élite lors de la période Nicollin. Il fallait pouvoir se maintenir au niveau du jeu mais aussi au niveau financier.

Croyez-vous qu’un mécène ou qu’une entreprise d’envergure puisse investir suffisamment d’argent dans l’un des deux clubs pour lui permettre de rejouer les premiers rôles dans le rugby français et ce, de façon pérenne ?

Si on trouve un investisseur sérieux, oui. Il faudra l’encourager tout de suite à rester et à aller aussi loin que possible dans l’investissement pour envisager de remonter à un plus haut niveau. Mais nous sommes dans des villes moyennes, économiquement touchées où il y a peu d’investisseurs potentiels et cela, même s’il y a localement de grandes entreprises. Ce sera dur aussi d’en trouver en dehors de notre territoire, même si l’histoire de ces deux équipes peut encore interpeller et susciter des souvenirs. Il faut le reconnaître, je ne crois pas que cela arrivera très vite.

À l’heure du professionnalisme, trouvez-vous justifié que les collectivités injectent encore de l’argent public pour sauver les clubs qui souffrent d’un déficit structurel permanent ?

Oui, je pense que c’est normal de voir des collectivités en soutien des clubs. Rappelons tout de même que les collectivités aident surtout les associations sportives de ces clubs et pas directement les sociétés qu’ils sont devenus. Ce sont les centres de formation qui profitent en premier lieu de l’argent public. Les jeunes sont l’avenir de ces clubs et ces derniers restent les vitrines de nos villes et de notre histoire rugbystique. C’est aussi pour cela que les collectivités investissent généreusement.

Béziers et Narbonne, deux villes moyennes situées entre les métropoles de Montpellier et de Toulouse, ont-elles encore les moyens d’exister rugbystiquement, chacune de leur côté ?

Non, ce sera difficile de rivaliser et d’exister face aux deux écuries que sont Toulouse et Montpellier. L’argent est dans les grandes métropoles, pas dans les villes moyennes et c’est ce qui explique la disparition de l’élite de toutes les équipes historiques. Les deux clubs de Béziers et de Narbonne existeront toujours mais je ne pense pas -je me trompe peut-être et quelque part je l’espère- qu’ils rejoueront un jour au plus haut niveau. Quand on regarde la carte du championnat de TOP 14, cela saute aux yeux. Ce ne sont que les clubs des grandes villes qui résistent. Il n’y a que Paris qui a pu maintenir deux équipes dans l’élite. C’est la capitale, il ne faut pas l’oublier, et cela, avec toute l’industrie qui règne autour.

Vous avez vécu les grandes heures des duels entre l’ASB et le RCN ; les deux clubs sont au plus mal, ne devrait-on pas mettre les rivalités du passé de côté pour construire un seul grand club avec un vivier de joueurs et un budget capable de rivaliser avec ceux du TOP 14 ?

Non, je n’y crois pas. Ajouter les budgets des deux clubs ne permettra pas de rivaliser avec ceux des équipes de TOP 14. Je pense qu’il faut laisser tomber cette idée et s’investir d’avantage dans la formation et rendre la vie des clubs attractives. Il y a un vrai vivier de jeunes pour nos clubs. Les grands joueurs partiront et il faut l’accepter. Il faut que les clubs continuent à vivre, c’est essentiel. Cette culture et cette histoire, il faut la poursuivre et ne pas vivre qu’avec des souvenirs ; il ne faut pas comparer avec le passé où il y avait de l’insertion sociale via les clubs. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.