Interview d’Alain Paco

Interview d’Alain Paco

Alain Paco

Né le 1er mai 1952
Champion de France 1974, 1975, 1977, 1978, 1980, 1981 (Béziers)
Challenge Du Manoir 1975 et 1977 (Béziers)
35 sélections en équipe de France
Grand Chelem en 1977

Que vous inspire la situation de l’ASBH et du Racing Club Narbonnais aujourd’hui ?

J’ai beaucoup de tristesse de voir ces deux clubs à ce niveau. Mais leur descente s’explique par le réseau économique de la région qui est très faible et qui n’a pas évolué depuis les grandes heures de ces deux équipes. Aujourd’hui, aucun des deux n’a les moyens financiers de faire mieux. Tout ça ne veux pas dire qu’il n’y a pas d’intelligence de jeu, mais il manque le nerf de la guerre, l’argent.

Croyez-vous qu’un mécène ou qu’une entreprise d’envergure puisse investir suffisamment d’argent dans l’un des deux clubs pour lui permettre de rejouer les premiers rôles dans le rugby français et ce, de façon pérenne ?

Pour ce qui est de Béziers, nous avons tenté beaucoup de choses à de nombreuses reprises. J’étais avec eux il y a encore deux ans ; les dirigeants ont fait ce qu’il fallait, mais nous nous sommes rendus compte qu’il n’était pas facile de faire investir des gens dans le club. Il n’y a pas de très grosses entreprises dans le coin pour assurer l’essentiel. Enfin, il faut le reconnaître, ceux qui pourraient le faire n’ont pas envie de s’investir. Ça peut se comprendre.

À l’heure du professionnalisme, trouvez-vous justifié que les collectivités injectent encore de l’argent public pour sauver les clubs qui souffrent d’un déficit structurel permanent ?

Ce sont effectivement des entreprises, et, dans une entreprise, il n’est pas logique que des fonds publics soient investis. D’un autre côté, ces deux clubs font partie du patrimoine de par leur glorieux passé et leurs nombreux titres. Aujourd’hui, demain comme hier, aucun politique ne portera la responsabilité de voir disparaître ces monstres du rugby français. Ils ont marqué l’histoire de ces deux villes, de toute une région. Ces clubs n’ont pas demandé de devenir des entreprises. Ce sont les règles du jeu qui ont changé quand le rugby est devenu professionnel. Mais honnêtement ce n’est pas normal, par rapport à d’autres entreprises beaucoup plus classiques, cela peut poser problèmes.

Béziers et Narbonne, deux villes moyennes situées entre les métropoles de Montpellier et de Toulouse, ont-elles encore les moyens d’exister rugbystiquement, chacune de leur côté ?

À haut niveau, ce sera difficile. Il faut des fonds énormes pour faire vivre l’ensemble des salariés de ces structures. Il n’y a pas que les joueurs. S’ils avaient dû être à haut niveau ce serait déjà fait. à moins qu’un club comme Montpellier ne disparaisse, mais les investisseurs viendront-ils à Béziers, à Narbonne ? Rien n’est moins sûr. J’ai peur qu’à force de vouloir faire du rugby d’élite on ne le rende confidentiel. On ne parle déjà plus des petites séries. On oublie déjà les racines du Top14 qui sont là, dans les tous petits clubs de villages et on a un rugby coupé en deux.

Vous avez vécu les grandes heures des duels entre l’ASB et le RCN ; les deux clubs sont au plus mal, ne devrait-on pas mettre les rivalités du passé de côté pour construire un seul grand club avec un vivier de joueurs et un budget capable de rivaliser avec ceux du TOP 14 ?

Il faut avoir les gens pour le faire. Parmi les anciens c’était jouable. Moi cela ne me pose aucun problème. Après ce sont les écoles de rugby qui défendent leurs positions. Mais en jouant une fois à Narbonne, une fois à Béziers, cela pourrait se faire. C’est à réfléchir. Mais il y a beaucoup de questions derrière. L’idée est bonne, mais pas facile à réaliser. J’ai entraîné les deux équipes, je n’ai jamais eu de problèmes. J’ai aidé à la fusion des deux clubs de Montpellier à la demande du président Frêche et cela a marché malgré les difficultés. Mais on ne nous avait pas laissé le choix. Il vaut mieux batailler ensemble plutôt que de mourir seul.