La Commune
Une rue de Paris en mai 1871 Maximilien Luce (1903)

La Commune

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Pourquoi n’y a-t-il pas eu de commune insurrectionnelle à Béziers ?

Une certaine mythologie biterroise présente la ville comme une éternelle résistante, une insoumise constamment opposée au pouvoir central parisien. Pourtant, de façon très étonnante, alors que Narbonne et dans une moindre mesure Toulouse et Perpignan tentent l’aventure communaliste, Béziers reste apathique. Comment expliquer cette attitude ?

à l’automne 1870, après la chute de l’Empire, des révolutionnaires venus de 13 départements, avec parmi eux le futur dirigeant de la Commune de Narbonne, émile Digeon, tentent d’organiser une Ligue du Sud fondée sur un programme républicain, laïque et révolutionnaire. C’est un échec, mais cela préfigure une voie communaliste méridionale.

La Commune de Paris est proclamée le 18 mars 1871. La nouvelle connue, Béziers organise un comité révolutionnaire qui a la faveur des républicains radicaux, alors à la tête de la mairie. Béziers est vue comme une ville pouvant se joindre au mouvement puisque la Commune de Paris envoie Jules Montels à Béziers comme délégué, espérant y provoquer un soulèvement. Dans un même temps, des manifestations pacifiques de soutien se déroulent à Béziers. Le 23 mars, un millier de personnes manifeste sa solidarité avec les Parisiens. Un comité révolutionnaire se révèle particulièrement actif en couvrant la ville d’affiches appelant à imiter Paris. Le militant Édouard Granier tente à ce moment-là de créer à Béziers un journal, La Commune révolutionnaire, mais sans succès. En effet, si sur le plan symbolique Béziers se manifeste comme favorable au mouvement, dans les faits rien ne bouge.

L’étincelle aurait pu venir de Narbonne où les insurgés sont bien conscients qu’ils doivent trouver des relais. Ils espèrent voir l’insurrection s’étendre et c’est pourquoi émile Digeon envoie des dépêches aux maires de Toulouse, Carcassonne, Béziers, Perpignan et Paris. Les municipalités environnantes affichent leur soutien et semblent avoir adhéré à la Commune de Narbonne en envoyant des délégués, pourtant la tentative communaliste de Perpignan se solde par un échec et les autres villes ne se mobilisent pas. Digeon tente alors d’entraîner Béziers à sa suite car il pense pouvoir compter sur les nombreux militants républicains avancés. Pour imposer le ralliement, il organise une expédition armée en direction de Béziers dans le but reproduire la proclamation narbonnaise. Le 29 mars, tout était prêt mais l’arrivée de troupes gouvernementales va interrompre le projet.

L’attitude biterroise interroge. Alors que les républicains locaux sont tenus pour être parmi les plus virulents, ils apparaissent comme peu impliqués durant cette phase cruciale. L’historien Marc César formule l’hypothèse selon laquelle des villes très en pointe politiquement comme Béziers n’avaient pas le souci de faire la révolution puisque les républicains tenaient déjà le pouvoir local. Cela expliquerait le positionnement attentiste avec l’espoir d’un triomphe de la Commune parisienne. Le souvenir de la répression de 1851, après le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte, a peut-être pesé plus ou moins inconsciemment dans les esprits. La mémoire des déportations en Algérie et en Guyane qui touchèrent plus de 1500 personnes du Biterrois a probablement freiné l’engagement aux côtés des Communards narbonnais et parisiens. Pour autant, il ne faut pas négliger le fait que les acteurs locaux, focalisés sur les évènements parisiens, n’ont probablement pas pris la mesure de mouvements communalistes de province, notamment à Béziers.

Il faut ajouter à cela une gauche divisée sur la question ; Jules Guesde, rédacteur du journal Les Droits de l’Homme ne prenant position en faveur du soutien de la province à Paris que le 11 avril 1871 par exemple.

Est-ce par dépit, par colère ou par mauvaise conscience, toujours-est-il qu’après l’écrasement des Communes, certains Biterrois prendront  – tardivement – fait et cause pour l’insurrection. Les réunions républicaines de sympathie à la Commune vont se succéder et certains iront jusqu’à inciter à un soulèvement local comme en témoigne Le Messager du Midi du 29 mai 1871. Quoi qu’il en soit, la défense des Communards et la lutte pour l’amnistie tout comme l’exaltation du souvenir de cette singulière expérience deviendra un marqueur important pour les républicains Biterrois les plus avancés de l’époque.

Pour approfondir, voir le livre de Marc CÉSAR, La Commune de Narbonne (mars 1871), Presses universitaires de Perpignan, 1996, particulièrement le Chapitre 2 « L’implication tardive d’une région ».