Être étudiant pendant la COVID à Béziers

Être étudiant pendant la COVID à Béziers

Pour faire face à la pandémie de Covid, le samedi 14 mars 2020, la fermeture de tous les établissements d’enseignement a été annoncée. Cette décision a fortement modifié les conditions de vie des étudiants, à Béziers comme partout ailleurs. Elle a nécessité la mise en place de nouvelles formes d’apprentissage et de vie pour le millier d’étudiants que compte la ville. La fermeture des services universitaires, même s’ils sont réduits à Béziers, a bouleversé les modes de vie et les formes de sociabilité étudiante. La mise en sommeil des facs et des entreprises a chamboulé les alternances en cours, mais aussi limité toutes les possibilités de stages professionnels. Un cataclysme pour le monde étudiant.

« Soyons clairs, insistent Benjamin et Paul, étudiants en deuxième année MMI (Métiers du Multimédia et de l’Internet), cela a été très dur de se retrouver confrontés à l’enfermement dû à cette crise sanitaire. Cela nous a surpris, mais en prime cela s’est inscrit dans la durée. Ça fait presque une année que nous venons à l’IUT de temps en temps. C’est quelque chose de dur, très dur à vivre. »

En une phrase, voilà décrite la situation vécue par des adolescents pas du tout préparés à vivre leur phase de transition entre la vie étudiante et professionnelle avec de telles restrictions. Pour eux, les « années fac » étaient synonymes de cours, mais aussi de moments de détente au travers de fêtes entre copains. La pandémie a tout mis en suspens. 

« Quoi qu’on en dise, on nous a privés de cette partie de notre vie qui laisse des souvenirs d’insouciance et de bonheur à tous les étudiants. En gros, nous aurons vécu près de deux années scolaires enfermés et nos seules distractions auront été de venir en cours par épisodes. C’est vraiment dur de travailler à distance, loin des gens. »

Etre étudiant, depuis toujours, c’est se séparer de ses parents. Avec la pandémie qui a débuté il y a plus d’un an, certains jeunes ont vécu seuls dans leur petite chambre et d’autres sont retournés dans leur famille pendant le confinement et suivent toujours leurs cours en distanciel.

Une petite porte d’espoir s’est entrouverte en septembre 2020 mais elle s’est très vite refermée. Le retour chez les parents a été plus ou moins bien vécu par certains en fonction des familles et des équipements à la maison.

Margaux explique : « Dans un premier temps j’ai dû acheter un ordinateur plus puissant, puis il a fallu vivre avec une connexion fragile chez mes parents car je ne suis pas originaire de Béziers. Cela a été très compliqué car nous travaillions tous dans la même pièce. Finalement, même si j’étais très entourée avec ma famille, j’étais isolée de tous mes amis et j’ai fait le choix de revenir à Béziers malgré les contraintes et l’espace plus réduit pour tenter de garder un lien social autre que familial ».

Pour Jade, « beaucoup se sont retrouvés en échec du fait de leur solitude. Et puis, les profs n’étaient pas là pour les soutenir et les pousser. Je pense qu’il y a eu un véritable décrochage de ceux qui n’étaient pas pleinement motivés. D’où mon inquiétude pour l’avenir ».

Oui, ils insistent tous, ils avaient bien besoin de garder le lien, surtout à un moment de leur vie où ils construisent un cercle amical solide. « Quelque part, insistent Benjamin et Paul, c’est comme si on nous avait coupé les ailes alors que nous nous préparions à nous envoler vers notre avenir professionnel avec l’ensemble de nos amis. »

à Béziers comme ailleurs, les étudiants vivent la répétition des restrictions de liberté avec lassitude. Ils encaissent la précarité psychologique à laquelle s’ajoutent, comme s’ils avaient besoin de cela, des difficultés financières. Il devient très difficile, si ce n’est impossible, de trouver un travail pour financer leurs études. « Quand j’ai quitté mes parents, il était acquis que je devrais travailler un peu pour les soulager dans leurs efforts financiers. Ce n’est plus possible », raconte Baptiste qui avait trouvé quelques heures par semaine dans la restauration. Beaucoup de jeunes sont, comme lui, fragilisés économiquement, et doivent parfois faire appel à la solidarité, ne serait-ce que pour se nourrir correctement. « Ce n’est pas dans l’esprit de la famille, mais à un moment donné je n’ai plus eu le choix. Je suis allé me faire aider car mes parents ne pouvaient plus suivre et je me suis interdit de les obliger à contracter un emprunt pour financer mes études. Je m’en sors grâce aux services sociaux. Jamais je n’avais envisagé pareille solution. Malheureusement, c’était ça ou tout arrêter. »

Claire avait quitté la France quand la pandémie est arrivée. « J’avais débuté mes études à Montpellier et j’ai eu besoin de faire un break, de partir loin. Je suis allée en Australie, c’était mon rêve mais j’ai dû très vite rentrer. J’ai repris mes études à Béziers. Je vis assez mal cette perte de vision sur l’avenir, ainsi que le fait de ne plus connaître cette liberté de mouvements que j’ai connue pendant plusieurs mois. C’est difficile de vivre l’enfermement parce que Béziers est une petite commune où il n’y a pas grand chose à faire pour se distraire. Surtout quand tout est fermé. »

Béziers n’a pas été épargnée. Les étudiants en parlent entre eux, ils sont anxieux, stressés, vulnérables. « Les étudiants ont des signes cliniques inquiétants, explique un professionnel de santé. Ils ont beaucoup de mal à se projeter dans l’avenir parce que pour l’instant, ils ne voient pas la sortie du tunnel. Je pense que les problèmes psychologiques que nous rencontrons aujourd’hui se traduiront par des soucis psychiatriques dans l’avenir. Il faut vite que tous ces jeunes puissent revivre leurs années d’insouciance pour se reconstruire et croire à nouveau en eux. »

Et puis la restriction de la vie estudiantine est pénible à vivre : « Nous sommes privés d’une vie « traditionnelle » d’étudiants. Nous n’avons plus aucun loisir extérieur : plus de fête, plus de sport, plus de lieux culturels. Le petit détour au café pour prendre un pot à la fin de la journée, on en parle tout le temps car c’étaient vraiment des lieux d’échanges et de rencontres. C’est quelque chose qui manque vraiment, ce côté social. Nous avons perdu cet esprit “promo” d’avant le confinement. Il manque des étudiants car ils sont rentrés chez eux. Donc, nous nous connaissons moins. Tout ça se ressent d’autant plus avec le couvre-feu. L’isolement est trop présent dans nos vies. Il est grand temps que nous sortions de cette crise. Nous aspirons vraiment à retrouver notre vie d’avant comme tout le monde. Comme nos aînés. »