Didier Fenoll, Viticulteur Domaine Chai César
Photo DR

Didier Fenoll, Viticulteur Domaine Chai César

Didier Fenoll, quelques mots sur votre histoire.
Quand j’ai repris l’activité viticole de mon père, j’ai souhaité travailler autrement, sans produits phytosanitaires polluants. Nous avons tué la terre après la guerre pour ré- pondre à une demande qui ne correspond plus à la consommation du moment. Nous récoltions à l’époque 500 hl à l’hectare pour un vin à 6°. Alors, après des années à laisser reposer ses vignes une à une, je me suis converti définitivement au bio en 2009. Aujourd’hui, la production est bien moindre que les décennies passées, mais le résultat n’est pas comparable. C’est ça, le travail du viticulteur. Sortir un vrai produit.

Comment s’est faite cette conversion justement ?
Elle s’est faite par conviction. J’ai vu, sur mon père, tous les dégâts causés par l’emploi de produits chimiques pour booster les récoltes. Je n’ai pas voulu de tout ça pour moi. Il était hors de question de m’exposer à des produits que je vais qualifier de corrosifs pour la santé. J’ai donc laissé vivre la vigne au mieux, en lui redonnant un sol qui pouvait la nourrir correctement. Et cela a marché ! Tellement bien que quelques-uns de ceux qui se moquaient de moi à mes débuts se sont lancés, eux aussi, dans la démarche bio, même si c’est parfois dans une logique plus financière qu’environnementale car les vins bio ont de plus en plus la côte auprès des consommateurs.

Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ?
Il y a tous les aléas climatiques, la gelée et sur- tout la sécheresse. Déjà, nous avons arraché des vignes pour replanter des cépages plus résistants. Et heureusement, nous avons eu l’autorisation d’irriguer nos 21 hectares de parcelles, ce qui n’était pas le cas au tout début de la mise en place des productions bio. Car sans eau, pas de vin. Cette année, sans l’irrigation, nous ne sortions pas de cuvée de rouge. Il faut avoir cela bien en tête et préserver cette ressource.
C’est pourquoi nous avons également expérimenté le couvert végétal entre les rangs de vignes pour conserver l’humidité et les nutriments naturels. Ce couvert végétal, nous allons le généraliser à l’ensemble du domaine tout en assurant à la vigne un minimum d’eau grâce à un goutte-à-goutte performant et maîtrisé.
Je suis convaincu qu’il ne faut pas toucher le sol de nos exploitations. J’ai la certitude qu’en laissant vivre la vigne et la terre naturellement, sans y toucher, le rendement sera là. Une parcelle que je n’ai pas touchée depuis 12 ans a produit du grenache. Cette année, nous avons été stupéfaits par son rendement. À tel point que l’œnologue nous a recommandé de cesser son irrigation de peur de voir les pieds éclater tant ils sont beaux et en forme. Toujours dans le même esprit, nous avons modifié notre travail de la vigne. Nous ne venons plus tailler en plein été afin que le raisin voit le soleil, mais juste avant les vendanges. Encore une façon de garder de la fraîcheur et du naturel sur nos terres.

Comment vous en sortez-vous financièrement dans cette période de crise de la viticulture ?
Nous avons dû rogner sur nos marges et nos investissements pour tenir. Vendre du bio, c’est une guerre au quotidien. Il faut se battre contre des lourdeurs administratives et une concurrence peu claire pour le consommateur, ce qui nous dépouille de nos parts de marché. En effet, les producteurs traditionnels affichent une étiquette « production naturelle » sur leurs bouteilles ou bien le logo HVE (Haute Valeur Environnementale). Ce n’est pas la même chose et, surtout, nous avons des coûts de production bien supérieurs. En bio, nous avons un cahier des charges en matière d’utilisation de produits qui est extrêmement strict alors que ceux qui affichent « production naturelle » ont bien moins de contraintes que nous. Et les organismes de contrôle que nous rémunérons ne nous facilitent pas la tâche. Pour faire du bio, je n’ai pas besoin de ces or- ganismes, mais ce sont eux qui me donnent la certification, alors… C’est parfois dramatique pour certains : une parcelle en jachère non déclarée sur le domaine et c’est la sanction ; même si tu n’y fais rien dessus, tu perds la certification bio pour l’année qui vient. C’est un truc de dingue et nous ne pouvons rien faire face à ces techniciens qui parfois ne connaissent même pas notre métier ! Et ces gens ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, que si nous coulons, ils partent avec nous.

Comment voyez-vous l’avenir de votre domaine ?
L’avenir passe par mon fils, Julien, qui reprend l’exploitation en janvier. Je veux que le domaine familial vive longtemps, c’est pourquoi j’ai aussi opéré des transformations dans ma façon de commercialiser ma production. La vente de vins en bouteille est essentielle bien sûr, puisque c’est quelque chose qui marche bien. Et puis, nous pouvons nous démarquer avec des bouteilles originales qui contiennent un bon produit. Nous avons aussi misé sur la qualité et l’originalité de nos nom- breux assemblages ; pour cela, nous œuvrons avec un œnologue qui nous permet d’avancer plus fort. Les nombreuses récompenses que nous avons obtenues, dans les trois couleurs, sont la preuve de la qualité de notre travail.

Domaine Chai César 1, rue Frédéric Mistral, hameau de Péries 34440 Nissan-lez-Ensérune didierfenoll34@gmail.com
Tél. : 0681010393

Laisser un commentaire