Dans l’oeil des syndicats : Julien Rader, secrétaire de l’union locale CGT du Biterrois
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Dans l’oeil des syndicats : Julien Rader, secrétaire de l’union locale CGT du Biterrois

Comment définiriez-vous le climat social en ce début d’année 2023 ?
Le climat social est très tendu, voire explosif pour plusieurs raisons qui s’additionnent. Premièrement, la question salariale est loin d’être soldée compte tenu de l’inflation et du coût de l’énergie, y compris le carburant. Les NAO (négociations obligatoires dans l’entre- prise) sont déjà sous tension dans plusieurs secteurs d’activité. Ensuite, les conditions de travail, dans ce contexte de peur et de doute d’après-covid, sont toujours autant dégradées. 34% des salariés sont en burn-out et 70 mil- lions de journées de travail sont perdues pour arrêt de travail -soit 42 % des salariés en 2021-, ce qui est énorme. Ce ne sont pas les travail- leurs qui sont malades, c’est le travail ! Pas étonnant que la réforme des retraites qui vient dans ce climat de crise soit autant contestée par les Françaises et les Français !

Inflation, baisse du pouvoir d’achat, ré- formes de l’assurance chômage et des retraites, déliquescence des services publics… que proposez-vous pour inverser la tendance ?
La principale revendication de la CGT est simple : augmenter les salaires et les pensions de manière à rééquilibrer le partage des richesses en faveur du travail et non du capital. Dans ce pays, cela se traduirait par la hausse du SMIC à 2 000 euros bruts, le retour à l’échelle mobile des salaires avec répercussion immédiate de l’inflation dans les salaires de l’ensemble des branches, le blocage des prix de l’énergie et des biens de première nécessité, ainsi qu’aucune pension de retraite au dessous du SMIC.

Les faillites d’entreprises s’accumulent depuis quelques mois, en voyez-vous les effets au niveau de l’emploi ?
Oui, nous avons des indicateurs très inquiétants, notamment sur le tissu économique des PME, des métiers liés à l’artisanat et des suppressions d’emploi qui en découlent. Par ailleurs, nous ne sommes certainement pas au bout de la crise qui couve. Le gouvernement ne prend aucune mesure politique concernant la crise énergétique. Résultat : les collectivités, les artisans, les PME sont confrontés à des problèmes insolubles de trésorerie avec des factures augmentant de 50 à 300% ce qui entraîne faillites, compression d’emploi ou réduction de la charge. Dans le même temps, le CAC 40 et les grands groupes font des profits indécents à hauteur de 150 milliards d’euros dont 82 milliards de dividendes versés aux plus grandes entreprises.

Pensez-vous que dans cette société moderne devenue très individualiste, un grand mouvement de protestation collective, comme nous l’avons connu en mai 68 est encore possible ?
Oui, car la colère est grande même si jusqu’à maintenant elle ne s’exprimait que lors des élections politiques par le biais de l’abstention ou du vote en faveur de l’extrême droite. Mais la conjonction de la réforme des retraites, in- juste, brutale et rapide, et la faiblesse des salaires peut amener à une explosion sociale.

Depuis 2018 et les gilets jaunes, on voit apparaître des mouvements spontanés, voire incontrôlés, hors syndicats, comme cela a été le cas à Noël avec la grève des agents SNCF. Comment expliquez-vous cela ?
Cela découle de la politique de Macron qui ne tient aucun compte des corps intermédiaires, et ce, de manière volontaire. Aujourd’hui, il n’y a plus de dialogue social au plus haut ni- veau de l’État et cela favorise l’émergence de ce phénomène.

Est-ce que de tels mouvements vous amènent à réfléchir à un changement de discours et de pratique militante ?
Oui et non. Oui parce qu’il faut toujours s’adapter à un monde du travail de plus en plus compliqué, et non parce que les valeurs de la CGT sont toujours les mêmes : la défense des intérêts des travailleurs et la nécessité d’un changement profond de société qui remettent au centre l’être humain tout en préservant notre planète.

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