Brigitte Banégas, la record-woman de l’apnée
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Brigitte Banégas, la record-woman de l’apnée

La Valrassienne Brigitte Banégas a obtenu sept records de France en apnée, dont trois en piscine et quatre en mer, en 11 ans de carrière. Après une pause de quelques années, elle est revenue à la compétition en 2019 pour terminer 4e des championnats du monde à Nice. Elle participera aux prochains mondiaux à Chypre en septembre 2021.

Quand avez-vous débuté la compétition ?
J’ai toujours été très sportive. Avant, je pratiquais le volley en première division. C’est en 2000 que je me suis intéressée à l’apnée. Lors d’une année sabbatique et d’un voyage en voilier, j’allais vérifier l’ancre, je chassais. Mon compagnon, Yannick, a remarqué que je descendais bien et de plus en plus profond. Nous sommes allés à Nice pour descendre en sécurité. De là, j’ai participé à mes premiers championnats, puis à des mondiaux. Nous avons gagné et l’émulation a fait que j’ai continué. Bon, c’est un sacré raccourci…

Malgré tout, vous avez fait une longue pause.
Oui, j’en avais besoin. Puis en 2019, il y a eu les mondiaux en France et j’ai voulu y participer, mais seulement pour assurer la sécurité des plongeurs. On m’a sélectionné pour descendre, alors j’ai repris l’entraînement et j’ai eu la surprise de finir quatrième. Comme il n’y a pas eu beaucoup de compétitions depuis la crise du Covid, je viens d’apprendre que j’étais sélectionnée pour les mondiaux de Chypre au mois de septembre. Ils ont pris les dix meilleurs performeurs et j’en fais partie.

Quel est votre regard de femme sur le sport féminin ?
Il pourrait être bien mieux. Il n’y a pas encore d’égalité, ni dans le traitement, ni dans la médiatisation. Et pour ce qui est de l’apnée, c’est encore pire. C’est une niche, très peu connue. Mais c’est en train de prendre, grâce notamment à Guillaume Néry. Néanmoins, je ne peux que constater qu’il y a trop de différences entre les hommes et les femmes. Pour les gommer, il faut que les femmes luttent.

C’est un cheval de bataille pour vous ?
Pas du tout ! Je vois juste où cela me mènerait si Yannick n’était pas là pour me soutenir et me motiver. Être devant, c’est un défi pour moi. J’essaie de prendre du plaisir et d’éviter de me faire gagner par le stress. Le reste, ma foi…

L’apnée, si elle est une discipline très discrète, est cependant très en lien avec la nature ?
Pleinement. J’ai même choisi la discipline la plus naturelle qui soit. Je descends sans câble à la seule force des jambes et sans palmes. Je trouve que c’est ce qu’il y a de plus en lien avec la nature, avec la mer. Je suis en harmonie totale avec mon environnement.

“D’ici 20 ans, il y aura plus de plastique dans les océans que de poissons. Il est temps de se reprendre.”

La mer, justement, vous avez le sentiment qu’on la néglige ?
Oui, trop. Le pire est que personne ne semble s’en rendre compte. Personne ne voit vraiment venir la catastrophe alors que nous avons un monde marin totalement en péril. Les espèces sont menacées par l’homme, par ses déchets. On ne le voit pas, mais ce que l’homme envoie dans l’eau, on le mange par la suite. D’ici 20 ans, il y aura plus de plastique dans les océans que de poissons. Il est temps de se reprendre.

Vous avez pu constater ce que vous avancez ?
Mais totalement ! Cela fait 20 ans que je plonge et je vous l’assure je vois de moins en moins de poissons. Les gens ne le voient pas parce qu’ils ne mettent pas la tête sous l’eau. Il faut être curieux. Le plastique est là, fragmenté. Tout le monde dit qu’il faut le retirer. Moi je dis, il faut arrêter de le consommer. Cela va bien plus vite. Il faut imposer très vite zéro plastique. L’État et tout le monde doit prendre sa part. Nous allons droit dans le mur.

En parlant de mur, vous vous opposez avec d’autres habitants à la construction d’un énorme bâtiment à Valras.
Pour protéger la nature, il faut de la volonté. Une volonté collective. La pollution est en mer, mais aussi sur terre. On n’écoute pas assez les scientifiques. Avec cette construction, il va y avoir des ruisselements d’eau de pluie avec de possibles dégâts. Il va y avoir aussi une pollution visuelle. J’estime que les communes doivent montrer l’exemple. Construire un bâtiment, oui mais avec toutes les qualités environnementales requises. Les communes ne devraient plus laisser faire n’importe quoi.

Pour vous, les communes doivent être exemplaires ?
Bien sûr. Comment entendre qu’il faut entreprendre telle ou telle démarche si votre premier interlocuteur ne le fait pas. Ici, sur le litorral, on a l’impression que l’on veut rattraper le retard pris sur la mission Racine il y a 50 ans. On bétonne partout. On n’intègre rien. Valras était un village de pêcheurs pour ceux qui l’auraient oublié, pas le quartier de la Défense à Paris. Avec cette construction, nous allons perdre notre identité.

Vous pensez que le bétonnage de Valras se poursuit ?
Oui! 12000 m2, ça vous parle? On va construire un immeuble de 35 mètres de haut sur un terrain inondable, au-dessus de la nappe phréatique. Ça fait cinquante ans que l’on s’insurge contre le projet Racine, contre cette tour qui défigure Valras. Et notre génération va laisser faire un truc pareil ? Non, un projet qui respecte l’environnement, qui peut évoluer, oui. Le béton, là, on en prend pour 100 ans. 100 ans durant lesquels les gens vont s’entasser les uns sur les autres. Ce n’est pas ça la vie au bord de la mer. On a fêté les 90 ans de la station, les 100 ans de l’ancien casino. Réhabilitons ce qui existe, gardons l’esprit village. Faisons de ce terrain un poumon vert pour la commune. On peut s’arranger pour trouver de l’argent, mais nous ne pouvons pas transiger avec l’environnement. Il y a quelque chose à faire pour qu’économie et environnement puissent avancer de pair. Donnons la parole aux habitants. Invitons-les à prendre part aux projets de la commune. Ne vendons pas l’âme de Valras pour une poignée d’euros.

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