RV, le plus londonien des Biterrois
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RV, le plus londonien des Biterrois

Béziers, ses 70 000 habitants, ses domaines viticoles, son rugby, sa féria… et ses rockers. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la cité cathare a donné naissance à de nombreux artistes locaux qui ont la musique du diable dans le sang. Certains ne sont plus en activité, comme les cultes Sloy ou les plus confidentiels The Ravens, Cyd Jolly Roger, Dazzlings, Passing Birds… D’autres continuent d’écrire de belles pages dans le livre du rock biterrois : Mata Hari, Fabulous Sheep et… RV, les initiales de Ronan Vieule. Le chanteur-guitariste de 26 ans aux allures de lad anglais vient de sortir son second EP, « Changes », écrit et enregistré à Londres.

Costa Rica, Paris et haute couture

Béziers comme ville de naissance, comme fil conducteur, comme port d’attache. C’est là qu’il commence à jouer de la guitare, âgé de 8 ans, au conservatoire. Peut-être trop rigide pour le gamin un peu sauvage qui s’en va apprendre les rudiments de l’instrument auprès d’un maître en la matière, Armand Gonzalez, guitariste et chanteur de Sloy qui fit carrière dans le circuit alternatif des années 90. Difficile de faire mieux comme mentor.
Mais à ses 12 ans, la famille Vieule traverse l’Atlantique direction l’Amérique Centrale et le Costa Rica où le père tailleur de pierre et sculpteur travaille pour de riches américains venus s’installer au soleil. L’adolescent biterrois apprend l’espagnol, surfe avec son petit frère après les cours et se découvre une passion pour la couture, les fringues, le tissu. Bien sûr la guitare n’est jamais très loin, RV répète ses gammes, et se fait l’oreille sur Noir Désir ou les Stones. Au moment de quitter le Costa Rica trois ans plus tard, Ronan est déjà un artiste en herbe qui ne demande qu’à éclore. Surtout qu’à son retour à Béziers, à l’âge de 14 ans, plusieurs de ses amis ont fondé des groupes. Avec trois compères, il monte son premier projet baptisé «Passing Birds», traduction des « Oiseaux de Passage » de Brassens. Nous sommes en 2010 et des concerts en nombre s’organisent au Café des Arts, au Korrigan, au Capharnarhum, au Nashville et autres bars éphémères du centre. Ronan et ses potes montent sur les planches pour la premières fois à la Colonie espagnole devant plusieurs centaines de personnes lors de la deuxième édition du festival «Fabrique», inititative des psychédéliques Cyd Jolly Roger. Pendant quatre ans, les Passing Birds écument les salles et bars-concerts de la région. De cette période, il reste quelques précieux souvenirs : un EP de 5 titres ainsi que des vidéos live sur internet. Le potentiel est là, palpable. «C’était petit mais il faut bien commencer », selon la formule de l’intéressé.

Mais après ces débuts prometteurs, le groupe se disloque à la sortie du lycée. Guidé par son amour pour la couture, Ronan prend le train direction la capitale et les Compagnons du devoir, filière maroquinerie. En parallèle, avec son ami et batteur des ex-Passing Birds, Paul Mommy, ils forment un duo répondant au nom de Léon XIII, pape du 19ème siècle, mais surtout nom d’un quartier chaud de San José, au Costa Rica. Durant trois ans chez les Compagnons, Ronan apprend beaucoup mais l’organisation quasi militaire de la confrérie ne lui sied pas : « L’autorité, c’est pas mon truc » rigole-t-il. Il démissione et se fait embaucher dans une manufacture Louis Vuitton. Mais trois ans passés à fabriquer des sacs et des valises lui donnent des idées, et Ronan se fait la malle.

Descente de police en Indonésie et la folie de Londres.

Cette fois, le biterrois est parachuté à Jakarta, en Indonésie. Il gère un atelier de fabrication d’accessoires en cuir et matériel de bureau. Tout seul au beau milieu de l’océan Indien, dans son appartement de fonction, il compose en français et enregistre des démos inspirées de ce déracinement ; des histoires en cours qu’il laisse à l’autre bout du monde. Mais un jour la police de l’immigration débarque dans l’atelier. Vérification des papiers, contrôle d’identité. Problème pour Ronan, il travaille alors qu’il n’est muni que d’un visa de touriste. Après quelques heures de galères et de justifications, il est sommé de quitter le territoire dans les plus brefs délais. Retour à la case départ, à Béziers. Pas pour longtemps : « Deux semaines après, j’ai pris un avion pour rejoindre mon meilleur ami à Londres avec un sac à dos et une guitare, sur un coup de tête. Je devais y passer trois semaines, j’y suis resté quatre ans ! »

“Londres, c’est à 200 à l’heure”

À peine 20 ans passés et Ronan est plongé dans le tourbillon londonnien : boulot, tentations de la nuit, et des histoires qui n’arrivent que là-bas. « Je bossais dans une boutique de Camden Town, je vendais des sacs marocains et j’en réparais d’autres. Là-bas t’es payé au jour ! Tu vas au pub tout dépenser entre les fêtes, les concerts tous les soirs, et t’as plus de fric pour le loyer.. .» Ronan déménage dans le nord de Londres, loin du tumulte du centre. Entre-temps, il intègre brièvement le groupe Happymess, assez longtemps toutefois pour se produire au fameux Dublin Castle, repaire de la célèbre formation ska The Specials, où Amy Winehouse avait ses habitudes. Mais n’ayant pas la place pour exprimer sa créativité, il décide de les quitter pour se mettre à son compte. Le culot. Et Ronan Vieule devint RV. Il sort sur le net un six titres, « Extremly », enregistré tout seul chez lui « avec un ordi, une boîte à rythmes et l’ampli guitare dans les chiottes ». Cette démo lui permet d’être pris en première partie qu’il assure en solo dans quelques rock-clubs.
Et puis, un de ces soirs, c’est la fameuse rencontre. Une jeune femme qui a adoré le show de RV lui prend un CD et le transmet à un ami qui monte un label. Bingo, Chris veut en faire le premier artiste de son nouveau projet. Il produit son second disque solo, Changes, envoyant Ronan en studio dans le Kent début 2021 avec des musiciens de session. Le rêve. « Moi, le petit français qui n’avait rien demandé, signé et produit par un label anglais, c’est fou ! » Depuis, le Biterrois s’est réinstallé à Béziers. «J’avais besoin de changer d’air, de me ressourcer. Londres c’est à 2000 à l’heure… Je monte mon concept store sur l’avenue Foch, un atelier-boutique de fringues avec des événements. Et puis normalement, une tournée anglaise arrive bientôt ! » Avec un sac à dos et une guitare ?

Le Samedi 11 Décembre, il défendait Changes en solo sur ses terres natales. Armé seulement de sa guitare et d’une boîte à rythmes, il déployait sa rage enthousiasmante et ses refrains entêtants dans un Café de Plaisance blindé et chauffé à blanc qui finira par le porter en triomphe. Une volonté de présenter son travail devant les gens qui l’ont vu naître et commencer la musique. Un retour aux sources pour RV, au parcours d’éternel exilé.

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