L’oeil de l’expert

L’oeil de l’expert

Pour une intercommunalité comme Béziers-Méditerranée, la culture n’est pas une compétence obligatoire, à la différence d’autres domaines comme la collecte et le traitement des déchets ménagers et assimilés, l’eau, ou encore l’assainissement des eaux usées. Ces blocs de compétences ne sont pas négociables ; ils relèvent de l’intercommunalité et les communes membres n’ont plus le droit de prendre des décisions y relatives en leur nom propre. Tout passe par l’agglo, parfois au grand dam des élus communaux… mais telle est la loi.

À côté de ces blocs obligatoirement transférés à l’EPCI, l’article L. 5216-5 du Code général des collectivités territoriales donne une liste de domaines pour lesquels l’agglomération peut, si ses élus et les communes membres en décident ainsi, intervenir « en lieu et place des communes membres ». Tel est notamment le cas pour la construction, l’aménagement, l’entretien et la gestion d’équipements culturels et sportifs d’intérêt communautaire. Il convient de relever que le sport et la culture sont ici mis au même niveau par le législateur, a bon droit selon nous, car ensemble, ils participent à former des citoyens bien dans leur tête, bien dans leur corps. Mens sana in corpore sano.
Ainsi, l’agglomération Béziers-Méditerranée a décidé de se laisser la possibilité de construire, aménager, entretenir et gérer un ou plusieurs équipements culturels d’intérêt communautaire et s’autorise à porter l’enseignement de la musique, de la danse et de l’art dramatique. Concrètement, cela se traduit pour l’habitant par une Médiathèque intercommunale (la Médiathèque André- Malraux) et un conservatoire de l’Agglomération (L’Avant-Scène) reconnu à rayonnement départemental par le ministère de la Culture dont l’offre se décline sur plusieurs sites à Béziers et dans les villages alentours.

Mais alors, pourquoi avoir mis la culture ET le sport parmi les compétences laissées à la libre appréciation des intercommunalités et de leurs communes membres ? Assurément pas par angélisme républicain… plutôt par pragmatisme financier et visée électorale. On l’a déjà vu, lorsqu’une compétence « bascule » de par la loi dans le giron d’une intercommunalité, les communes se trouvent totalement dessaisies du dossier au profit de l’EPCI et n’ont plus leur mot à dire sur la gestion, les projets, le personnel… Et vous voudriez qu’un maire, quelle que soit son appartenance politique, accepte de se couper du monde culturel et sportif et donc de ses associations communales dont les membres sont autant d’électeurs ? Qu’il donne les « clefs du camion » à un(e) président(e) d’intercommunalité au risque qu’il ou elle en fasse un jour son fonds de commerce électoral ? Quel maire prendrait un tel risque politique ? Aucun ! Et c’est de bonne guerre. Ici, comme dans de nombreux domaines, on pourrait résumer les choses ainsi : ce qui coûte, et parfois rayonne, part à l’agglo… ce qui permet de conserver un lien direct avec le tissu associatif local – avec un réel effet de levier électoral –, reste aux mains du maire. Qui est déjà allé à un forum des associations intercommunales ? Qui a déjà été membre d’un club de théâtre d’agglomération ? Qui a déjà pratiqué de la danse ou de la musique dans une maison des jeunes qui ne soit pas municipale ?… Personne. Tout simplement parce que ce n’est politiquement pas porteur. En revanche, s’autoriser à transférer à l’intercommunalité les « équipements culturels et sportifs, d’intérêt communautaire » présente un double avantage :
Le premier, c’est que lorsque vous êtes une « ville centre » – comme Béziers l’est par rapport aux 16 autres communes membres de l’agglomération –, vous disposez d’équipements qui certes sont utiles à vos propres habitants, mais sont aussi utilisés par ceux des villages alentours. Des usagers qui, parfois, payent un droit d’entrée
majoré par rapport à vos propres habitants mais sans commune mesure avec le coût que vous supportez annuellement, tant en fonctionnement qu’en investissement (amortissement de la construction, frais de personnel, coût d’entretien, dépenses énergétiques, coûts des spectacles, achats de supports culturels, livres, CD…). Cela permet de répartir la charge sur l’ensemble du territoire sur lequel l’équipement rayonne de fait… et donc chacun contribue et pas seulement l’habitant de la ville centre. Le second avantage vient du fait que lorsque vous cumulez les deux casquettes de maire de la ville centre et de président de l’agglomération, comme Robert Ménard, compter dans sa ville des équipements culturels communautaires vous permet – à moindre frais – de bâtir un programme municipal ambitieux sachant que les coûts de structure seront supportés par 125 000 habitants et plus seulement par vos 76 000 administrés. CQFD.

Les métropoles et la culture

Pour l’ensemble des métropoles françaises, le montant des dépenses culturelles annuelles se monte à deux milliards d’euros. On le voit, la culture est l’un des leviers majeurs d’attractivité territoriale et un outil majeur de régénération urbaine. C’est le cas de Montpellier qui a fait de la culture un pilier de sa stratégie de développement urbain. Un choix parfaitement réfléchi car la culture répond aux besoins de la classe moyenne, largement majoritaire dans la capitale languedocienne.
Ci-dessous, le classement des métropoles en fonction de leur degré d’implication et de prise de compétences en matière culturelle (Source : Culture et Métropole ; Emmanuel Négrier et Philippe Teillet, éd. Popsu (2020)).

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