Interview d’Armand Rivière
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Interview d’Armand Rivière

Maire de Pézenas

Pézenas est depuis de nombreuses années une ville d’art et d’histoire. Son riche passé en a fait un lieu à part que l’on visite pour son patrimoine. Vous êtes nouvellement élu maire de la commune, comment appréhendez-vous la lourde tâche qui est la vôtre de faire perdurer voire de développer cette « tradition » ?
Cela rend la tâche des plus exaltantes ! Il y la transmission patrimoniale et culturelle dont nous héritons et l’ambition que nous devons traduire au présent et conjuguer au futur. Peu de villes de 8 500 habitants, je crois, ont notre capacité à produire et à proposer. Rénover le musée, porter un projet autour de la Maison Consulaire et la Salle des États du Languedoc, réfléchir au devenir de l’Hôtel de Peyrat, rouvrir la Butte du Château… les idées patrimoniales ne manquent pas.
Nos envies culturelles non plus ! Trois festivals devraient naître dans les mois à venir dont un autour des idées et de l’éducation populaire. Nous imaginons un parcours d’art urbain pour dessiner le patrimoine du XXIe siècle et inviter à cheminer dans la ville. Nous voulons diversifier les lieux de représentation et de diffusion pour nous ouvrir à de nouveaux publics. Nous désirons devenir un lieu de référence pour les résidences d’écrivains, en lien, notamment, avec les scolaires. Nous souhaitons conserver cette identité qui nous est propre et qui est faite de patrimoine matériel et immatériel ainsi que notre furieuse envie de le transmettre et de le faire vivre.

De nombreux artisans d’art, comédiens et commerçants piscénois vivent de l’économie liée à la culture et au tourisme patrimonial. Mais la pandémie a considérablement affecté le tourisme depuis l’an dernier. Comment voyez-vous l’avenir et quelles mesures allez-vous prendre pour soutenir ce secteur et ses acteurs ?
Nationalement, nous allons probablement vers des mois difficiles, d’autant plus que la crise sanitaire n’est pas encore derrière nous et que nous ne savons pas de quelle nature sera la reprise économique. Pourtant, à Pézenas, nous avons de nombreux atouts surtout au moment où chacun veut revenir vers le local, un tourisme de qualité, des propositions à taille humaine, des productions de proximité, du talent, de la créativité… Tout ça, nous l’avons ! À nous de le mettre en avant et de le défendre ! Pour permettre à chacun de résister, dans nos domaines de compétences, nous avons fait des choix simples comme l’annulation des loyers et des droits de terrasse. La Région, relayée par l’Agglo, a aussi répondu présente avec un soutien économique offensif. Aujourd’hui, nous avons travaillé à un
été culturel et festif où, grâce à un solide partenariat avec les associations locales, il y a chaque soir quelque chose à faire à Pézenas : Estivales, Nocturnes des artisans, visites théâtralisées, théâtre, cinéma, concerts… Cela est un véritable défi visant à accroître notre attractivité et la fréquentation de la ville tout en offrant de nouveaux rendez-vous aux Piscénoises et aux Piscénois.
Demain, c’est l’après-saison qu’il nous faudra réussir et nous travaillons à des propositions à l’automne, à Noël, au printemps… avec l’espoir que cette année nous pourrons les mettre en oeuvre. A côté de ces propositions, nous repensons notre communication pour mettre la ville en avant et donner envie d’y venir.

Festival Molière, Mirondela dels arts, Printival Boby Lapointe: tous les grands événements culturels de la ville ont lieu entre juin et septembre comme c’est le cas un peu partout dans le Sud. La dépendance à cet héliotropisme, générateur d’emplois très saisonniers, a pour conséquence un chômage très élevé hors-saison à Pézenas comme dans la plupart des stations du littoral. Avez-vous des solutions pour améliorer cette situation dans votre ville ?
Pour l’exemple culturel, ce n’est pas vrai ! Pézenas fait battre son cœur culturel toute l’année. D’ordinaire, le Printival est en avril et, cette année, il a été reporté en août pour les raisons sanitaires que nous connaissons. Pézenas Enchantée, le festival d’art lyrique, rythme la ville durant une quinzaine de jours en octobre. La rencontre cinéma de Pézenas dure une semaine en février. Je pourrais en citer tant d’autres : les Temporadas et les Fêtes de Carnaval, le festival Mai Danse, les expositions, le cinéma municipal ainsi que la saison culturelle municipale de septembre à mai…
Pour le cas du chômage, si je crois en l’attractivité culturelle et patrimoniale, je sais aussi que l’économie culturelle est un champ plus vaste dans lequel nous devons nous investir. Et où mieux l’investir qu’à Pézenas ? Nous devons aussi continuer à installer des artisans d’art pour qu’ils puissent créer et exposer toute l’année et que nous demeurions une référence en la matière. Ensuite, nous cultivons nos autres atouts. Ainsi, nous considérons comme une chance d’avoir une appellation « Languedoc-Pézenas », qui porte le nom de notre ville. Elle est un ferment d’attractivité supplémentaire… la pièce maîtresse pour être une capitale du vin. Nous travaillons également pour que l’eau chaude qui coule sous nos pieds, et dont on sait l’existence depuis près de 60 ans, connaisse une destinée thermoludique et thermale. Également, il y a l’expérimentation «Territoire zéro chômeur» de longue durée pour laquelle nous avons convaincu la Communauté d’agglomération Hérault- Méditerranée de s’engager. L’innovation sociale, écologique et solidaire, c’est les emplois de demain pour nos territoires.

“Il ne faut pas regarder la culture que sous l’oeil comptable… c’est un investissement, un ferment de bonheur, d’émancipation et de développements humains, un facteur d’attractivité…”

Quel est le budget culture d’une ville comme Pézenas ?
C’est un budget de fonctionnement de près de 900 000 euros dont plus de la moitié sont des frais de personnel et où près de 100 000 euros reviennent à la vie associative. Avec ce budget, nous ouvrons le théâtre historique toute l’année, portons le Festival Molière, gérons le cinéma municipal, investissons le théâtre de verdure pour l’été et proposons de multiples rendez-vous sur 12 mois. Il y aussi d’importants investissements pour près de 1170000 euros sur le patrimoine, sur le cinéma et sur le théâtre de verdure.
Notre fort engagement permet aussi d’obtenir des subventions et des aides extérieures qui bénéficient à la ville et aux associations pour soutenir cette ambition culturelle. Et puis il ne faut pas regarder la culture que sous l’œil comptable… c’est un investissement, un ferment de bonheur, d’émancipation et de développements humains, un facteur d’attractivité… tant de choses qui ne se mesurent pas qu’avec une ligne budgétaire.

Pézenas est indissociable de Molière et leurs images sont intimement liées. L’an prochain, nous fêterons les 400 ans de la naissance du plus célèbre des auteurs de théâtre français. Comment avez-vous prévu de commémorer cet anniversaire ?
Molière et Boby Lapointe ! En 2022, nous aurons à la fois les 400 ans de la naissance de Molière et les 100 ans de celle de Boby Lapointe ! 2022, ce doit être l’année « Pézenas » et nous y travaillons !
À cette heure, nous avons en tête de nombreux rendez-vous qui seront à la fois des productions locales et des créations nationales, ou de compagnies d’autres territoires. Nous voulons mêler les différentes formes d’art pour que cette année soit complète et s’adresse au plus grand nombre. Nous voulons faire régaler Pézenas, faire parler d’elle à l’extérieur et exporter ses goûts et ses talents. Nous voulons aussi qu’elle fédère ses voisins pour être l’épicentre d’une année hautement culturelle.
Nous ne réussirons pas seuls et œuvrons à construire des partenariats avec les acteurs locaux, des références nationales, les différents échelons territoriaux ainsi qu’à rechercher des mécènes.
La création de sentiers de randonnées est à la mode et ne concerne pas que la simple marche à pied pour découvrir les paysages, la faune et la flore locales. Les œnorandos permettent de découvrir des domaines viticoles tout en se promenant, permettant ainsi d’allier amour de la nature et du bon vin. Plusieurs balades à pied sur ce thème sont accessibles dans le Biterrois autour d’Abeilhan, Alignan-du-Vent, Murviel-lès- Béziers, Villeneuve-lès-Béziers, Portiragnes et Maraussan. Si ces randonnées sont prisées, c’est que le concept d’œnotourisme, apparu en France dans les années 70-80 en provenance des États-Unis, a connu ces dernières années un développement exponentiel dû à la montée en gamme tant de la production de vin que de l’offre touristique. Ainsi, sous couvert de loisirs, culturels ou non, le public est à un moment ou un autre confronté à la production locale au cours de son séjour, soit via une rencontre directe dans un domaine ou une cave, soit autour de manifestations comme Vinocap, les « Estivales » ou les nombreuses fêtes et marchés traditionnels. Par ailleurs, grâce à l’œnotourisme, certains territoires deviennent des destinations pour la qualité de leur terroir au même titre que le tourisme balnéaire pour ses plages et son soleil ou le tourisme patrimonial pour son histoire et son bâti. C’est d’autant plus intéressant que l’œnotourisme permet de prolonger les séjours bien au-delà de la saison estivale tout en drainant une population aisée et épicurienne.

Le label Vignoble et découverte : une coproduction entre Domitienne et Agglo

Le développement de l’œnotourisme impose un gros travail de fond. Il ne s’agit pas seulement de planter des panneaux pour s’arroger le titre de capitale du vin ou de producteur du meilleur vin de France. Il faut permettre la découverte du patrimoine, tout autant matériel que sensible, à des touristes qui se caractérisent par une sensibilité et un goût différent de ceux qui viennent uniquement attirés par le soleil.
De ce fait, l’obtention d’une labellisation reconnue nationalement est un passage indispensable. Les domaines qui entrent dans de tels dispositifs doivent répondre à des critères stricts sur le plan de l’accueil. Le label «Vignoble et découvertes» a ainsi été obtenu par le Biterrois grâce à la mise en commun en 2017 des forces des offices de tourisme de la Domitienne et de l’agglo Béziers-Méditerranée. Il fallait en
effet avoir sur son territoire au moins 15 domaines répondant aux critères pour être éligible. Le label renouvelé tous les trois ans a été reconduit ; néanmoins le fait qu’il ait fallu réunir deux entités pour entrer dans ce cercle fermé de l’œnotourisme de qualité montre tout le chemin qu’il reste à parcourir avant de rêver concurrencer la route des vins d’Alsace ou la Napa Valley.

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