Interview de Richard Castel

Interview de Richard Castel

Richard Castel

Né le 31 décembre 1972
Champion de France 1995 et 1996 (Toulouse)
13 sélections en équipe de France
Grand Chelem en 1997

Que vous inspire la situation de l’ASBH et du Racing Club Narbonnais aujourd’hui ?

Ce sont deux villes qui ne sont pas un gros bassin économique. Et sans argent, le sport professionnel ne peut pas avancer. Elles ont, en revanche, une vraie histoire sportive, c’est ce qui fait que les deux clubs existent encore aujourd’hui. L’erreur, cela a été d’imaginer pouvoir tenir le haut du pavé en Top 14 avec une structure qui ne le permet pas. Ils ont mis du temps à comprendre que leur place n’était plus dans l’élite. Heureusement, ils ont des supporters présents quoi qu’il arrive. Et des communes qui sont toujours là, parce que le rugby est très ancré dans les foyers. Mais aujourd’hui, oui, osons le dire, ils sont les smicards du rugby et sans mécène ils ne feront guère mieux. 

Croyez-vous qu’un mécène ou qu’une entreprise d’envergure puisse investir suffisamment d’argent dans l’un des deux clubs pour lui permettre de rejouer les premiers rôles dans le rugby français et ce, de façon pérenne ?

C’est ce qui s’est passé à Toulon. Il n’y avait pas une économie extraordinaire quand Boudjellal a repris le club. Ça n’a pas marché de suite, mais il a su se donner les moyens d’y arriver. Aujourd’hui, peu de clubs arrivent à tourner sans mécènes. Certains y arrivent, mais il faut être dans un bassin économique important.

À l’heure du professionnalisme, trouvez-vous justifié que les collectivités injectent encore de l’argent public pour sauver les clubs qui souffrent d’un déficit structurel permanent ?

De façon générale, je trouve que les pouvoirs publics font ce qu’ils ont à faire par rapport au bien-être d’une commune. Si on enlève le rugby à Béziers et à Narbonne, il y aura un morceau de patrimoine qui partira. Quelque part, que l’on trouve des subterfuges pour maintenir les bateaux à flot ne me semble pas totalement incohérent. Après il y aura toujours la question, jusqu’où peut-on aller ? Ce que je vois, c’est que ces clubs ont été les porte-drapeaux de ces deux communes pendant 20 ou 30 ans. On ne peut pas tirer un trait sur ce passé. Ce serait trop violent.

Béziers et Narbonne, deux villes moyennes situées entre les métropoles de Montpellier et de Toulouse, ont-elles encore les moyens d’exister rugbystiquement, chacune de leur côté ?

C’est compliqué. C’est comme pour Biarritz et Bayonne. Aujourd’hui, le sport de haut niveau est destiné à des villes importantes. On est dans une course à l’armement dans laquelle Béziers et Narbonne ne sont pas invitées. Nous avons une génération de cadets à Béziers que nous ne pourrons pas garder. Dès qu’un club a de l’argent, il est investi dans les salaires des joueurs. Il n’y a plus de fonds propres ou de stabilité financière. Cela ne s’arrêtera jamais.

Vous avez vécu les grandes heures des duels entre l’ASB et le RCN ; les deux clubs sont au plus mal, ne devrait-on pas mettre les rivalités du passé de côté pour construire un seul grand club avec un vivier de joueurs et un budget capable de rivaliser avec ceux du TOP 14 ?

Estime-t-on que deux pauvres font un riche ? Ce n’est pas parce qu’ils se mettront ensemble qu’il y aura plus d’argent. Ils n’auront pas deux fois plus de sponsors et ne toucheront pas deux fois les droits TV. Et puis on l’a vu avec le Racing et le Stade Français, si les deux clubs fusionnent, l’un des deux disparait et son histoire avec. Enfin, est-ce que le public suivra ? Où vont se jouer les matches ? Doit-on maintenir deux stades ? La simplicité, c’est de dire que la solution, c’est la fusion. On aura un vivier de joueurs plus important, mais il y a trop de contraintes techniques et financières qui arrêteront tout. Et puis, est-ce que les pouvoirs publics voudront soutenir un 4e club au plus haut niveau en Occitanie ?