Entre tradition et modernité

Entre tradition et modernité

Depuis quelques années, les ingénieurs planchent sur l’usage de robots dans les vignes. Certains exploitants utilisent déjà des drones pour effectuer des relevés et d’autres peuvent traiter très précisément des parcelles en étant équipés de rampes. Des entreprises travaillent sérieusement à mettre au point des machines qui prendraient en charge une partie des tâches répétitives, chronophages, potentiellement dangereuses pour la santé et peu valorisantes des viticulteurs, comme le désherbage et la pulvérisation. L’enjeu du désherbage est d’autant plus fort que la fin du tout phyto entraîne un travail plus important dans ce secteur. D’autres songent aussi à étendre la robotique à d’autres tâches comme la taille.

Cependant, ce nouveau saut technologique pose plusieurs questions, en particulier pour une profession qui a déjà fait de gros efforts pour se mécaniser massivement. Sous couvert de protéger le viticulteur, la robotisation va-t-elle entraîner de nouveaux investissements et de nouveaux crédits ? Les petits exploitants seront-ils capables de suivre cette véritable course à l’armement à l’heure où nombre d’entre eux délaissent la machine à vendanger pour revenir à une récolte manuelle moins invasive et plus protectrice pour les pieds de vigne ? Si seuls les gros domaines peuvent exploiter dans de bonnes conditions, nous risquons fort d’assister à une accentuation du phénomène de concentration déjà bien visible(*) avec à la clé une perte de souveraineté comme le montrent les rachats des grands domaines par des investisseurs aussi divers qu’exotiques.

Une autre piste très avancée consiste à adapter le vignoble au changement climatique. Après tout, on produit bien du vin en Afrique du Nord dans un climat autrement plus sec et aride que chez nous. Verra-t-on alors proliférer la culture du Sidi-Brahim sur nos côtes ? Au-delà de la boutade qui effraiera les excités de l’identitarisme, le processus est plus complexe. On peut d’abord imaginer un choix de cépages déjà existants et plus aptes à résister aux températures extrêmes en exhumant, par exemple, des cépages tombés en dé- suétude comme la counoise qui conserve son acidité et son petit degré, ou en en favorisant d’autres comme le cabernet sauvignon à la maturité plus tardive. Quant à l’hypothèse de cépages radicalement nouveaux, elle est bel et bien en train de devenir réalité. L’INRAE fait des essais en Languedoc avec des cépages grecs, espagnols ou italiens dits « résistants ». Mais d’ores et déjà, le stade des expérimentations est dépassé puisqu’une cinquantaine d’exploitants languedociens a planté des vignes testées avec succès dans la vallée du Douro, au Portugal.
À Béziers, du côté de Fonseranes, ce ne sont pas moins de 30 hectares de cépages capables supporter les gros coups de chaud mais aussi de résister au mildiou et à l’oïdium qui vont être plantés entre 2024 et 2025 pour un test à grande échelle avec le concours de l’INRAE, d’un pépiniériste italien et de la cave coopérative L’Occitane à Servian. De part les caractéristiques que nous venons d’évoquer, ces plants possèdent donc un double avantage : ils sont moins gourmands en eau et moins demandeurs en traitements chimiques.
Une révolution silencieuse est donc en train de se préparer. Comme souvent, les premiers à prendre le train seront ceux qui réussiront demain…

(*) Entre 2010 et 2020, le nombre de micro et petites exploitations a diminué respectivement de 27 et 17%, tandis que celui des exploitations de grande taille a augmenté de 2%.

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