Bruno George, être sans paraître
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Bruno George, être sans paraître

Bruno George est un être à part dans le milieu artistique. Discret, humble, toujours d’humeur égale, il avance à petits pas, sans faire de bruit, dans une faune culturelle, celle du théâtre, où les places sont chères et où tous les coups, ou presque, sont permis. Audacieux, l’ancien instituteur a franchi le Rubicon pour passer du public au privé, de l’enseignement à l’écriture et de la salle classe à la salle de théâtre. Portrait du parcours hors du commun d’un Biterrois de toujours parti à la conquête des planches de l’hexagone, qui a quitté ses élèves pour mieux nous élever.

Bruno George, vous avez été instituteur durant près de 30 ans, qu’est-ce qui vous a poussé à abandonner l’Éducation nationale pour faire de votre passion un métier ?
Justement, comme c’était une passion, elle était devenue dévorante et de plus en plus chronophage. L’écriture d’une pièce demande une très grande rigueur et une pleine disponibilité au risque d’être mal ficelée. Quant à l’enseignement, c’est certainement « le plus beau métier du monde », mais j’en avais fait le tour et je ne voulais pas devenir un professeur aigri l’âge aidant, alors j’ai préféré quitter la piste pour me consacrer au théâtre. Après tout, on ne vit qu’une fois et c’est pour si peu de temps.

Quitter la sécurité d’un emploi d’enseignant dans la fonction publique, avec un revenu assuré tous les mois, pour rejoindre le secteur culturel, souvent précaire et sans garantie de gagner correctement sa vie, n’est-ce pas un peu lâcher la proie pour l’ombre ?
Le métier d’enseignant est devenu de plus en plus compliqué car nous vivons dans une société qui ne rend pas l’éducation des enfants simple. Et puis, une passion ne se vit pas sans prise de risques mais de toutes façons, je savais où j’allais parce que dans la plupart des métiers artistiques il y a une part sacrificielle.

Quel a été l’élément déclencheur de votre passion pour le théâtre ?
J’ai tout d’abord commencé par écrire des romans de jeunesse, Bag Boy, Éléa et les âmes électriques, puis j’ai fait la rencontre d’une merveilleuse comédienne de théâtre, Corinne Maillé, qui, au cours d’un repas entre amis, m’a invité à lui écrire un one woman show. Je l’ai prise au mot et quelques mois plus tard naissait Ève et les 7 péchés capitaux. Cela a été une belle aventure qui s’est prolongée par l’écriture d’une pièce, Les 2 L, pour la compagnie Marc Galabru qui a remporté le Festival du Printemps du Rire de Toulouse en 2008 avec comme actrices Corinne Maillé et Ophélie Coste.

Etre dramaturge, c’est écrire la vie

Pour vous, qu’est-ce qu’un auteur ?
Être auteur, surtout quand on est dramaturge, c’est écrire la vie le temps d’une histoire et assister au miracle de sa création. La richesse du spectacle, c’est le vivant.

Quelle a été votre plus belle émotion théâtrale ?
Pour notre premier festival d’Avignon en 2016 avec Le soliloque de Grimm, nous avons invité, via une association, des anciens SDF ayant retrouvé un emploi et un toit et qui prennent de leur temps pour aider les plus démunis. Comme à notre habitude, nous attendons notre public à la fin de la représentation, une personne s’approche timidement vers moi, se présente comme membre de l’association, me demande si je suis l’auteur et commence une phrase qu’il finira dans mes bras en pleurant. Je n’oublierai jamais son « merci » balbutié au creux de mon épaule…

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On dit que le théâtre est une grande famille, qu’en pensez-vous ?
Je parlerai plutôt de petites familles. Depuis l’écriture du seul en scène Le soliloque de Grimm avec l’immense Fred Saurel qui nous a valu un beau succès public et critique (notamment les « 5 cœurs du Figaro », NDLR), je suis apparenté à la famille du Café de la Gare temple de la création parisienne crée par Romain Bouteille et Coluche, lequel sera d’ailleurs au centre de mon prochain seul en scène intitulé Moi Michel C., une pièce créée en résidence aux théâtre des Franciscains de Béziers. J’ai également l’honneur de travailler depuis 2016 avec Fred Saurel et un incroyable metteur en scène, Jean-Philippe Azéma, ainsi que toute une équipe de talents mis au service de la création.

Le théâtre a-t-il encore sa place en 2023 dans une société régie par les écrans et les réseaux sociaux ?
Disons que si nous sommes un jour privés d’électricité, le théâtre pourra toujours se jouer aux chandelles. La pandémie aura été une redoutable épreuve pour le spectacle vivant, mais nous sommes toujours là. Aucune intelligence artificielle ne pourra remplacer la capacité d’un auteur à « montrer l’homme à l’homme, l’homme déchu à celui qui ne l’est pas » comme l’a écrit Luc Jeener du Figaro à propos du Soliloque de Grimm. Aucun écran ne pourra restituer les vibrations d’un public ému, heureux de partager, le temps d’une histoire, un pur moment d’humanité.

Quelle est votre actualité ?
Pour ma dernière pièce, Recettes de famille, nous avons fait le choix d’une tournée en province car les comédies du style « boulevard » y sont très prisées. Actuellement programmée en Rhône-Alpes, j’avoue qu’une représentation sur nos terres me comblerait mais qu’il est difficile d’être prophète en son pays où, selon une formule plus consacrée : « Pour les gens d’aquí, rien n’est acquis »… Il est amusant de constater d’ailleurs que je suis plus connu au sein du microcosme parisien que dans notre grand Sud. Mais je garde espoir car travaillant depuis un an avec le joueur de poker professionnel Basile Yaïche sur l’écriture d’une série pour Netflix, Son Of Poker, mon adoubement local ne devrait pas tarder. En effet, pour reprendre notre thématique précédente, il semblerait qu’en 2023, Netflix ouvre même les portes des théâtres municipaux.

Contact artistique Bruno George : brunogeorgeauteur@gmail.com
Tél. : 0619246568
Site Recettes de famille : www.rdfpiècedethéâtre.fr

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