Sylvain Escalon, l’homme tranquille
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Sylvain Escalon, l’homme tranquille

Titulaire d’un bac L option arts plastiques, Sylvain Escallon semble être tombé dedans quand il était petit. Le dessin, c’est sa vie… Doté de multiples talents, Sylvain est aussi celui qui illustre avec brio les pages des dossiers de Biterre. Portrait d’un artiste promis à un bel avenir qui, après avoir adapté deux romans avec un résultat très prometteur, a confirmé avec Couleurs, récit personnel et mystérieux qui touche au fantastique, lea qualité de son trait ainsi que son sens de la narration.

Comment t’es venue cette passion, quel a été ton premier rapport au dessin et à la BD ?
L’envie d’être dans quelque chose de créatif et manuel était présente depuis longtemps et les maths n’étaient pas faites pour moi, je me suis donc naturellement mis sur cette voie. Les BD de mon père, plutôt pour adultes, et les revues pour enfants/ados, m’ont fait aimer le dessin et la narration. J’étais et suis toujours un rêveur ; le dessin est également quelque chose de compulsif pour moi, qui répond à une sorte de réflexe dès que je m’ennuie.

Quelles sont tes influences, dépassent-elles le cadre de la BD ?
Mes influences de départ sont issues des BD de mon père, donc plutôt du franco-belge et plus particulièrement l’école de Métal Hur- lant ou À suivre : des auteurs comme Bilal, Tardi, Schuiten, Mœbius, Comes ou Loisel par exemple. J’étais d’abord fasciné par le dessin pur, les différents styles existants, les images foisonnantes de détails, les anato- mies, les architectures, la profondeur. C’était l’idée qu’on peut tout faire avec le dessin en lui-même. Mon intérêt pour le côté narratif est venu plus tard. Ensuite j’ai découvert des auteurs comme Brüno, avec Nury au scénario, qui font des choses incroyables avec un dessin très simplifié, et niveau découpage c’est très fort. J’aime également le cinéma, qui est très proche de la BD en termes de narration, les livres de Jack London, Stephen King ou Gabriel Garcia Márquez pour n’en citer que quelques-uns. J’écoute aussi beaucoup de musique, ce qui doit influencer mon univers d’une certaine manière.

Avant Les zombies n’existent pas, avais- tu fait aboutir certains projets, publiés ou non ?
Les zombies n’existent pas était mon premier réel album BD. J’avais déjà bossé des projets scolaires ou personnels de quelques pages mais rien à voir avec le travail fourni sur un gros roman graphique. J’étais très focalisé sur l’illustration, le fait de me lancer sur un tel projet me faisait peur avant de m’y mettre.

En 2013 sort chez Sarbacane Les zombies n’existent pas, comment ce projet s’est-il présenté à toi ?
J’ai rencontré mon éditeur lors de mon oral de diplôme à l’IPESAA de Montpellier qui m’a proposé de travailler sur une adaptation en BD de Lazarus, d’Emmanuel Dadoun, un roman publié quelques années auparavant chez eux. C’était une chance importante à saisir dès ma sortie des études. Je ne connaissais pas le roman mais j’ai beaucoup aimé cette histoire qui oscille entre fantastique et réalité, je voyais bien cet univers très sombre en dessin et j’ai donc accepté le projet.

Comment as-tu retravaillé le scénario original ?
Il a d’abord fallu lire plusieurs fois le roman pour bien séparer les scènes et moments clés, décortiquer chaque élément, déconstruire l’histoire puis la reconstruire pour le format qu’on s’était fixé avec l’éditeur. L’album BD fait deux fois moins de pages que le roman, il a donc fallu trancher, garder l’essentiel tout en restant dans l’esprit du livre et de ses personnages. C’était la première fois que j’avais affaire à une telle somme de travail, ça m’a pris un an pour la réécriture et le découpage, puis une autre année et demi pour mettre au propre les 126 planches. Pour moi, c’était titanesque et pas spécialement bien payé mais extrêmement formateur.

En 2015, toujours édité par Sarba- cane, tu sors 220 Volts, adapté d’un roman, toujours en noir et blanc. Comment ce choix s’est-il imposé à toi ?
Le noir et blanc, c’est issu de ma pratique habituelle er récréative du dessin, stylo noir ou plume et encre sur papier. J’avais peu d’intérêt pour la couleur, et j’aimais créer des contrastes et des compositions un peu complexes juste en noir et blanc, c’est un défi plaisant. Quand je regardais chaque case d’un album de Schuiten et Peeters, La Tour ou L’Enfant Penchée par exemple, je prenais des claques et c’était surtout des claques en noir et blanc, il y a aussi eu Toppi, Pratt ou Manara.

Peux-tu nous parler de ta technique de dessin et des outils que tu utilises ?
Pour la BD, je fais d’abord tout mon découpage sur papier, avec un dessin très rapide pour essayer le plus de pistes possibles. Ensuite, je passe sur l’ordinateur pour affiner le croquis de chaque case, planche par planche. Et je passe au propre sur l’ordinateur avec ma tablette graphique, le tout entrecoupé de mille relectures et modifications. Je dessine presque tout d’imagination, sauf pour certains objets, éléments spécifiques, ou postures de personnages qui ne viennent pas immédiatement, à ce moment-là je me sers d’une référence photo ou autre.

Dans Couleurs en 2017, ta première BD éditée dont tu signes le scénario, comment as-tu justement traité la couleur qui apparaît enfin dans ton univers. Se retrouve-t-elle de fait mise en valeur ? Que représente-t-elle dans le récit ?
Dans cette histoire, la couleur a un rôle central. Elle incarne la mémoire du per- sonnage principal. Elle apparaît furtivement mais de manière récurrente. C’était un peu improbable pour moi de sortir une BD qui s’appelle Couleurs en tant que disciple du noir et blanc. J’en avais écrit et dessiné le début pour mon projet de fin d’études, j’aimais bien l’idée d’une explosion de couleurs sur un fond très noir. Des années plus tard, j’ai repris l’idée et fini de l’écrire pour le proposer à Sarbacane.

Que représente la publication de Couleurs pour toi ?
C’est un projet qui me ressemble beaucoup, donc il y a un léger côté introspectif. C’est le premier album sur lequel j’étais totalement libre. J’ai pu installer une narration progressive et très contemplative, me faire plaisir sur le dessin, dans un univers que j’ai choisi. Le fait d’avoir tout réalisé moi-même m’a énormément appris. C’est également la première fois que je présentais une histoire écrite de ma main à mon éditeur, qui a encouragé et contribué à pousser le projet au maximum. C’est donc un très bon souvenir dans l’ensemble.

Tu es aussi dessinateur de presse, travailles-tu pour d’autres journaux que Biterre et quelle est la nature des tes travaux ?
En ce qui concerne le dessin de presse, c’est juste pour Biterre, et c’est la première fois que je travaille de manière aussi récurrente avec un journal. Le dessin de presse n’est pas mon terrain d’action principal mais j’y prends du plaisir et j’apprends beaucoup de choses, notamment à synthétiser, à aller plus vite à l’essentiel. En dehors du journal, je travaille la plupart du temps sur des illustrations pour différents clients, en ce moment c’est une affiche pour un festival de jazz et des dessins pour une revue illustrée, Pop Icons. Je fais aussi des dessins pour une marque de chocolat ! Si le projet me plaît, je fonce, en fonction du budget aussi évidemment.

Tu sembles à l’aise pour traiter des sujets d’actualité, est-ce un domaine que tu as envie de développer ?
Pas spécialement. En revanche j’aime beaucoup contribuer à porter le message que le monde ne tourne pas très rond depuis un petit bout de temps. J’avoue que le dessin pour moi est aussi une échappatoire, il faut aussi que je le préserve de la pression environnante.

Travailles-tu sur des projets en ce moment ?
Je travaille sur quelques affiches et illustra- tions, et en parallèle je termine ma prochaine BD. C’est une histoire que j’ai écrite et que je peaufine depuis quelques années déjà. C’est plus volumineux que les albums précédents, j’en suis à la mise au propre des planches, il m’en reste une petite centaine. Tout devrait être terminé à la fin de cette année si tout va bien.

La date de sortie de cette BD est prévue pour quand ?
En principe, elle devrait sortir dans le courant de l’année prochaine.

Bibliographie :
Les zombies n’existent pas, Sarbacane, 2013 220 Volts, Sarbacane, 2015
Couleurs, Sarbacane, 2017

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