Sport à crédit ?

Sport à crédit ?

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Pour un maire, il est incontournable et électoralement rentable d’avoir dans sa ville un club phare qui brille au plus haut niveau. Mais une ville moyenne comme Béziers éprouve désormais les plus grandes difficultés à soutenir efficacement un club qui, avec ses onze titres de champion de France, a contribué à étendre la renommée de la citadelle cathare au-delà des frontières de l’hexagone. Car il faut se rendre à l’évidence, même s’il tire encore son aura de sa gloire passée, le « Grand Béziers » n’est plus. Les rambardes animées et les tribunes bigarrées archi-combles de Sauclières, les bourre-pifs affectueux, les ambiances surchauffées et les joyeux envahissements de terrain ont fait place à un stade Raoul-Barrière gris et morne, à moitié plein quand il n’est pas à moitié vide, pour accueillir de glaciales rencontres de PRO D2. Pire, l’ASBH est devenue, par ses échecs successifs et ses ennuis permanents, le sparadrap du capitaine Haddock des trois derniers maires. à Béziers comme ailleurs, le rugby flamboyant porté par les villes moyennes a cessé d’exister ou presque, pilonné par les coups de boutoir de métropoles aux moyens humains et financiers largement supérieurs.L’explosion des coûts engendrés par le professionnalisme aura fait passer le rugby à papa de vie à trépas. Exit donc La Voulte, Lourdes, Dax, Tarbes, Bagnères-de-Bigorre, Narbonne et… Béziers.

Alors, pour essayer de maintenir le club dans le ventre mou du championnat, on le met sous perfusion publique en espérant un miracle qui tarde à venir. Ainsi, la collectivité subventionne encore et encore, comme à Béziers (1) où le maire, après avoir maintes fois répété qu’il ne mettrait plus un sou pour renflouer les caisses, a tout de même fait voter cet été par son Conseil municipal une rallonge de 200 000 euros pour calmer la Direction Nationale d’Aide et de Contrôle de Gestion (DNACG) qui menaçait de rétrograder le club après l’échec de son rachat par de fumeux investisseurs émiratis. Mais comme cela ne suffisait pas, c’est par une prestation de service, en l’occurrence l’affichage du logo sur le maillot à hauteur de 200 000 euros payés cette fois par l’agglomération, que Robert Ménard a décidé de mettre à contribution les 16 autres communes du territoire pour éviter d’assister la saison prochaine à des derbys Béziers-Narbonne en Fédérale 1. La prestation de service a ceci de pratique qu’elle lui évite de passer par la case subvention et donc par un vote obligatoire qui pourrait s’avérer périlleux du côté de la CABEM, instance qu’il préside mais au sein de laquelle sa majorité n’est que très relative. D’ailleurs, les discussions ont été tendues pendant le Conseil d’agglomération du 14 septembre dernier lors de l’annonce du recours à la prestation de service, plusieurs élus n’ayant pas vu d’un très bon œil cet énième apport d’argent public à destination d’un club professionnel dans la tourmente qui connaît un déficit structurel depuis une trentaine d’années.

(1) Grâce aux subventions et aux prestations de services, mais aussi avec la mise à disposition de fonctionnaires, la location d’équipements à des tarifs extrêmement avantageux, la réalisation à titre plus ou moins gracieux de travaux de modernisation et de mise aux normes du stade, c’est environ 15 millions d’Euros que l’ASBH aura reçus de la 4e ville la plus pauvre de France en cinq ans. Certes, ces aides directes et indirectes sont régulièrement pratiquées partout en France, mais leur légitimité et leur régularité sont désormais largement remises en cause avec toujours la même question lancinante : est-il raisonnable de continuer à privatiser les profits et à socialiser les pertes des clubs professionnels ?

Achille Sureau