Benoît Schumann, Project Rescue Ocean
Photo : Project Rescue Ocean

Benoît Schumann, Project Rescue Ocean

À l’origine, en 2015, Project Rescue Ocean n’était qu’une simple page Facebook créée par Benoit Schumann, pompier à Béziers. Un an plus tard, l’adhésion et l’engouement aidant, une association voyait le jour. Son but : sensibiliser le grand public, en particulier la jeunesse, à la protection de l’environnement et des mers et faire le constat de leur état de santé. Depuis, l’association s’est internationalisée et a été labellisée par l’UNESCO. En organisant des actions de dépollution sur les berges des rivières, sur les plages mais aussi dans les terres, chacun peut ainsi agir pour la bonne cause.

Pourquoi avoir créé cette association ?
Il fallait sensibiliser le plus large public possible à la protection des océans car il y sept ans, l’ensemble des ONG que l’on pouvait trouver étaient axées sur des idées militantes et écologiques qui ne fédéraient pas automatiquement les gens. Moi, ce que je voulais, c’était créer un mouvement dans lequel on parlait de civisme et de bon sens pour impliquer tout le monde au respect de l’environnement et aux gestes écocitoyens.

Vous ne vouliez donc pas que votre initiative soit politisée ?
Exactement ! C’est pour cela que j’ai créé une charte qualité qui nous suit depuis le début. C’est notre ligne directrice qui rappelle que nous sommes une ONG apolitique. Nous intervenons même gratuitement en milieu scolaire pour sensibiliser dès le plus jeune âge au devoir que nous avons tous de protéger et de respecter l’environnement.

L’Hérault en particulier subit une forte pression touristique. Quelles sont les conséquences sur la nature ?
L’impact est très fort. On a juste à regarder le bord de nos routes pour se persuader de ce qui se passe. Que ce soit sur l’A9, l’A75, l’A750, les rives de l’Orb ou de l’Hérault, on voit qu’il y a une quantité de déchets énorme. On ne sait pas toujours comment ils arrivent là, mais il y a aussi une part de malveillance et d’absence de sensibilisation. Notre dépar- tement connait des événements pluvieux im- portants et forts et nous savons que dès que les ruisseaux se remplissent, les fossés qui bordent les routes sont inondés, emportant des tonnes de détritus qui transitent par les rivières, puis les fleuves jusqu’à la mer. C’est pour cela que nous faisons des collectes re- cords de déchets en hiver. Nous trouvons même des bouteilles remplies d’urine jetées par les chauffeurs de camions.

Que faudrait-il faire pour limiter les effets de ce tourisme de masse ?
Nous devons moderniser la sensibilisation écocitoyenne et toucher un plus large public. On ne doit pas s’arrêter uniquement sur des idées militantistes écologiques où l’on fait la morale aux gens. La sensibilisation doit être liée au plaisir d’intervenir sur le terrain, ainsi qu’au respect et à la citoyenneté. C’est en gardant ce juste milieu que l’on arrivera à faire la différence. Ce n’est pas en prononçant de longs discours moralisateurs, en culpabilisant les gens ou en faisant des campagnes choc. Il faut travailler dans la durée en créant des actions qui donnent du plaisir aux populations.

Sur le terrain, que faites-vous concrètement ?
Nous organisons des événements écocitoyens durant lesquels des bénévoles se retrouvent pour réaliser des actions de nettoyage. Mais cela va au-delà des actions menées parce que nous ne sommes pas des nettoyeurs et nous ne nous posons pas en service public. Nous, nous réalisons des opérations destinées à montrer l’exemple, montrer qu’il est facile de participer de temps en temps à une action de la sorte. L’objectif que nous ne devons jamais perdre de vue, c’est le plaisir que nous devons prendre à rendre notre nature propre. Nos bénévoles ne doivent en aucun cas se sentir fautifs des déchets que nous collectons dans la nature, sur la plage ou sous l’eau. En prenant du plaisir à agir, ils reviennent. C’est notre intérêt à tous. Et c’est ainsi que nous réalisons plusieurs actions par mois dans le Biterrois.

Photo : Project Rescue Ocean

Comment les zones les plus impactées sont-elles touchées ?
Nous trouvons beaucoup d’emballages jetés par malveillance ou je-m’en-foutisme. Il y a aussi tous ces mégots de cigarettes que nous retrouvons partout. Les gens profitent de la plage et ne savent pas ramener leurs déchets en repartant. Il y a des poubelles et peu sont ceux qui prennent la peine de les remplir. On voit bien que ces zones touristiques font les frais du manque de sensibilisation que je veux mettre en avant avec les membres de l’association.

“Il faut replacer l’humain au centre de la problématique environnementale”

Avec vos sept ans d’expérience, pensez-vous qu’il faut réinventer le modèle touristique pour mieux protéger l’environnement ?
C’est une évidence. Il faut absolument faire changer les mentalités et on doit le faire dès maintenant car la Méditerranée, nos littoraux, nos rivières sont de plus en plus pollués. Il suffit de naviguer un peu sur l’Orb pour s’en rendre compte ; on y voit des quantités de lingettes sur les arbres qui bordent le fleuve. Les touristes qui profitent de notre région doivent, eux aussi, être pris en charge et sensibilisés à la protection de l’environnement en leur faisant signer des engagements quand ils arrivent par exemple, voire même commencer dès l’hiver quand ils réservent leurs vacances estivales. La sensibilisation permanente portera ses fruits. C’est pour moi une certitude.

Y a-t-il eu une augmentation des dégâts après la crise de la Covid ?
Je ne parlerais pas d’augmentation de dégâts, mais plutôt d’une augmentation de nouveaux déchets. On retrouve en masse des masques, des gants, et tout ça malheureuse- ment sous l’eau. On retrouve même des tests Covid dans la nature. C’est dingue.

Est-il possible de faire un bilan des dernières opérations menées ?
Le 17 septembre, nous avons collecté 2,1 tonnes de déchets sauvages le long de l’Orb, entre l’Usine à gaz et le pont Vieux. On a sorti des carcasses de scooter, des bidons d’huile, des imprimantes… On a vraiment trouvé de tout. Cent cinquante bénévoles avaient répondu à l’appel. Ce sont des déchets en moins qui n’iront pas à la mer avec les pro- chains épisodes cévenols. C’est presque dix kilos par participant qui sont retirés de la na- ture. En 2021, nous avons collecté avec l’asso- ciation et ses bénévoles 97 tonnes d’ordures sauvages uniquement avec l’engagement citoyen comme motivation pour un total de 402 tonnes depuis 2015. Car la machine à ratisser les océans ne sauvera rien. On parle d’innovation technologique en permanence mais on ferait mieux d’évoquer l’innovation sociale. Il faut replacer l’humain au centre de la problématique environnementale.

Contact : projectrescueocean@gmail
Internet : projectrescueocean.org
Instagram : project_rescue_ocean

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