Les Fabulous Sheep, les enfants terribles du rock biterrois
Photo : Arbre E. Saldana

Les Fabulous Sheep, les enfants terribles du rock biterrois

À L’été 2008, deux gamins se rencontrent dans la cour du collège. Tout de suite, il est question de musique. Doors, Stones, Clash… Déjà. L’un a 13 ans, les cheveux longs et blonds, un style vestimentaire excentrique et, surtout, il joue de la guitare. Il s’appelle Tim. L’autre a 14 ans et découvre sa passion pour le rock. C’est Piero. Les bases d’une amitié sont jetées entre les premiers pétards, l’expérience de la musique et des nuits noctambules à rêver les yeux ouverts. Tim apprend la guitare à Piero. Quelques mois plus tard, ils fondent les Fabulous Sheep. Ils recrutent à la batterie un skateur de leur âge fan de Keith Moon. Dans sa cave de répétition sous les halles de Béziers, le trio devient un groupe de rock. La magie opère en une seconde, à la vitesse du son électrique qui sort des amplis. Rapidement rejoints par Gabriel au sax et aux claviers, la formation se solidifie en 2011 avec les frères Pernet, Jacques et Charles, respectivement batteur et bassiste. Depuis, ils ont traversé ensemble une décennie de répétitions, de concerts brûlants, de désillusions, de route, de doute, de remise en question, de disputes et de réconciliations. Une décennie de foi et de volonté, nourrie par des rencontres magnifiques, alimentée par le retour du public, l’émotion partagée des concerts, l’essence de leur moteur. Une décennie d’avancées invisibles, de progrès indicibles, de montagnes russes et de petites victoires. Coup d’oeil dans le rétro, avant la suite.

Béziers dans le sang

En 2013, Les Fabs pressent 500 exemplaires de leur premier disque, un EP 6 titres intitulé Une Jeunesse à côté, enregistré avec les moyens du bord dans le garage d’amis en plein centre ville. Grâce à cette démo, ils jouent dans tous les bars de Béziers qui veulent bien faire confiance à ces gamins qui n’ont alors qu’une envie : balancer leur rage adolescente sur fond de rock à l’accent anglais. Tim et Piero écrivent ensemble, après avoir aiguisé leur sens de la composition avec Jean-Philippe Jalby de L’APEMM. Pas des virtuoses ni de grands chanteurs, mais les idées sont là. Surtout, les cinq biterrois ont déjà ce qui continue de faire leur force : une énergie communicative, maladroite au début mais bien vite abrasive qui va faire pogoter tout ce que Béziers compte de troquets. S’ils commencent à s’exporter dans la région, c’est bien dans leur ville natale et sous l’impulsion de Charles, l’aîné de la bande, qu’ils vont entreprendre un projet de festival. Pendant quatre ans au domaine de Bayssan, entourés de leurs amis dont beaucoup font de la musique, ils vont organiser un des plus gros événements alternatifs du Biterrois : Univart. La première édition réunit près de 1000 personnes et voit défiler tous les groupes du coin, à savoir quinze artistes sur deux scènes. Concerts rock, blues, rap, folk, electro, expo, graph en direct, théâtre et cirque, c’est une magnifique réussite. Trois éditions plus tard et après le report difficile à encaisser de la quatrième pour cause d’alerte météo, le projet est depuis entre paranthèses. Mais l’aventure Univart reste un moment fondateur pour ces jeunes gens qui se sont retroussés les manches afin de faire vivre leur ville et rassembler ses habitants.

“Qu’importent l’audience et les conditions, ils s’égosillent, transpirent des litres et donnent sans compter”

Caves pourries, jambon-beurre et Elton John en hélico

Avec leur deuxième EP baptisé L’Entreprise, qui leur vaut un papier dans Rock & folk, ils partent à la conquête de Montpellier, de l’Hérault, puis du grand sud pour enfin mettre un pied à Paris. Loin de leur base et de leur public biterrois acquis à leur cause, les Fabs se déchaînent dans des caves pourries devant quelques badauds présents par hasard, sur des scènes où le quintet rentre à peine. Le tout souvent pour une bouchée de pain (150 Euros et des jambons beurre par exemple).
Qu’importent l’audience et les conditions, ils s’égosillent, transpirent des litres et donnent sans compter. Entre 2014 et 2015, le gang enchaîne façon stakhanoviste et dépasse la barre des 100 concerts en quadrillant une bonne partie de l’hexagone: Toulouse, Marseille, Nice, côte Basque, Angoulême, Orléans, Niort, Rouen… En mars 2016, ils fêtent la sortie de leur troisième EP Kids Are Back au célèbre Rockstore de Montpellier devant plusieurs centaines de supporters. Dans la foulée, et par le biais d’un concours sur internet, ils sont propulsés sous les yeux de quelques milliers de spectateurs sur une scène des Déferlantes d’Argelès-sur-Mer aux côtés d’Orelsan, Les Insus ou encore Elton John, arrivé en hélico. Un autre monde dans lequel les jeunes Fabs font leurs premiers pas.

Photo : Fabulous Sheep

Aires d’autoroutes, pizza à l’ananas et tournée allemande

Dans le clip du morceau Wandering Souls (les âmes errantes) les cinq Biterrois nous font entrer dans leur intimité, entre trac d’avant concert et euphorie de la scène, en passant par leurs périgrinations autoroutières et leurs aires de repos, ces oasis impersonnelles au milieu des milliers de kilomètres entassés dans un van rempli de matos. Un exemple résume bien leur quotidien qui oscille entre sombres rades inconnus et grandes scènes : Le 30 Juin 2017, Fabulous Sheep se produit dans le sous-sol du Mudd Club de Strasbourg devant approximativement sept personnes, assurément alcoolisées et moyennement intéressées. Le lendemain, 4000 spectateurs les attendent sur la scène du festival Rencontres et Racines à Audincourt pour un de leurs plus gros concerts. Mais le meilleur les attend à la fin de l’année : comme leurs aînés biterrois les excellents Sloy, ils sont programmés le 7 Décembre aux très prisées Transmusicales de Rennes, festival de découvertes internationales où se rencontrent les pros de la musique en France. Après le show, les Fabs repèrent le directeur de l’énorme salle La Paloma à Nîmes où le gang essaye de jouer depuis des années. Au culot, les cinq Biterrois l’encerclent et Jacques le « menace » de lui faire livrer des pizzas à l’ananas si La Paloma ne les programme pas. Dans les douze mois qui suivent, ils joueront en première partie dans la grande salle comble du complexe nîmois ainsi qu’au renommé festival TINALS organisé en son sein tous les étés. Le quintet poursuit sur sa lancée et deux ans plus tard sort leur premier album, Fabulous Sheep, enregistré et mixé par leurs soins avec leur propre matos. Quatorze titres qui résonnent comme un patchwork de leurs influences diverses – pop rock, punk, new wave, folk – et qui vont leur permettre de faire leurs débuts à l’étranger. En 2019, ils passent la frontière pour la première fois et cartonnent en Allemagne pour cinq dates, avec ingénieur du son et ingénieur lumière. Une sacrée étape dans la vie du groupe. Ils ajoutent même la Belgique et le Luxembourg à leurs premiers concerts internationaux.

Prêts pour la prochaine décennie

En mars 2022, les cinq Héraultais balancent dans les bacs le brûlot Social Violence. Un deuxième album plus homogène enregistré au Stud du Sud avec une équipe élargie : Paul Viguier l’ingénieur du studio, le précieux sondier du groupe en live Arbre E. Saldana, ainsi que Gabriel qui passe derrière la console de mixage à leurs côtés. Piero et Tim sont même conseillés pour leur son de guitare par Armand Gonzalez, de Sloy, comme un passage de témoin biterrois d’un maître à ses disciples pour celui qui a enregistré deux albums avec le grand Steve Albini. Le disque est encensé sur France Inter qui passe le clashien « Believe in God ». Dans le magazine Rolling Stone, l’album est le mieux noté des sorties du mois. Le 21 juin, pour la Fête de la Musique, ils montent sur scène place de la Comédie, à Montpellier, devant près de 15.000 personnes. Les Fabs semblent avoir pris une autre envergure cette année. Où s’arrêteront-ils ? Le plus loin possible, c’est tout le mal qu’on leur souhaite. Prochain bilan dans 10 ans ?

Site : www.fabuloussheep.com

Laisser un commentaire