Les intérêts géopolitiques
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Les intérêts géopolitiques

Outre des raisons historiques de répulsion/domination, il faut aussi souligner l’importance géopolitique de l’Ukraine, pivot fondamental entre la Russie et l’Europe de l’Ouest. De fait, elle se trouve au carrefour des grands axes routiers et ferroviaires et a été pendant très longtemps la seule voie d’évacuation des hydrocarbures russes. Les enjeux sont aussi économiques car la Russie voudrait que l’Ukraine rejoigne la communauté économique Eurasiatique qu’elle a créée, plutôt que l’UE. Cela est d’autant plus important pour Moscou que le territoire ukrainien est l’un des greniers à blé de l’Europe. D’autre part, l’industrie ukrainienne n’est pas négligeable avec une bonne partie de l’héritage du lobby militaro-industriel soviétique qui s’y trouve encore, comme le symbolise l’aéroport Antonov et ses avions géants près de Kiev. Cela lui donne une place stratégique mais aussi une vulnérabilité.

Sa volonté de se rapprocher de l’UE et de l’OTAN au cours des années 2000 qui témoigne d’une volonté d’émancipation de fait du « grand frère » russe, a eu pour effet de crisper ce dernier. Cela est d’autant plus prégnant après une période d’affaiblissement et d’humiliation consécutive à la chute de l’URSS. Parmi les raisons qui expliquent le conflit actuel, cette dimension politique et affective a été largement négligée. Vladimir Poutine considère la disparition de l’URSS comme « la plus grande catastrophe géopolitique » et son seul objectif consiste donc à restaurer la « grandeur russe ».

C’est à cette aune qu’il faut lire les interventions en Tchétchénie en 2000, en Géorgie en 2008, puis en Ukraine, déjà, en 2014. Poutine le disait explicitement dès 2007, mais le monde occidental n’a pas su ou voulu le voir. Nicolas Sarkozy lui a même vendu des bâtiments de guerre Mistral en 2009 avant que le contrat ne soit dénoncé par François Hollande. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer le conflit ukrainien actuel. La Russie, qui se vit comme assiégée, cherche à contrôler ses marches proches et veut éviter une extension de l’influence des États-Unis jusqu’à ses frontières. À cela s’ajoute la nécessité stratégique de conserver une façade maritime au sud et un accès aux mers chaudes via la base de Sébastopol qui est une constante historique depuis trois siècles. Les relations et les tensions entre la Russie et l’Ukraine s’inscrivent donc dans une histoire longue dont nous traversons une étape. Celle-ci est peut être décisive dans la mesure où la jeune nation ukrainienne, encore fragile et divisée il y a quelques mois, est en train de se forger une identité commune réunissant ses différentes composantes à travers cette épreuve.

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