L’inquiétude économique

L’inquiétude économique

Dès le déclenchement du conflit, un bras de fer s’est engagé entre la Russie et les pays occidentaux. Des mesures de rétorsion ont été prises contre le régime de Vladimir Poutime par les États-Unis et l’UE, malgré la difficulté de trouver un consensus entre les états membres : sanctions économiques, embargo, gel des avoirs d’oligarques proches du pouvoir, mesures diplomatiques, blocage de médias pro-russes, exclusion de compétitions sportives internationales…
De son côté, le Kremlin menace, outre des actions militaires visant l’Occident, de couper le robinet du gaz et du pétrole russe, de nationaliser des entreprises étrangères et de limiter ses exportations de matières premières.

LE SYSTEME SWIFT

Créée dans les années 70, SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) est une société coopérative privée dont le capital est détenu par ses adhérents. Propre à chaque banque, le code SWIFT, connu en France sous le nom de BIC, est présent sur tous les relevés d’identité bancaire. Il est, à ce jour, le principal outil de communication et d’échange entre établissements financiers pour effectuer des paiements dans le monde entier. En déconnectant les banques russes de SWIFT, celles-ci se retrouvent donc potentiellement isolées car dans l’incapacité de réaliser la moindre transaction de manière dématérialisée. Si les effets d’une telle mesure sont dévastateurs pour la Russie, l’effet boomerang l’est tout autant pour les entreprises qui commercent, investissent ou sont implantées en Russie puisque le robinet financier est coupé. Cependant, avec la Chine, la Turquie, l’Iran et l’Inde, la Russie travaille depuis plusieurs années à une solution alternative qui doit permettre de faire transiter des fonds en « autarcie », entre pays tiers ; c’est un moyen de parer l’exclusion de l’un d’entre eux du système et contourner d’éventuelles sanctions tout en s’émancipant de l’hégémonie financière occidentale

Phénomène de réelle pénurie, spéculation effrénée d’une poignée de grands groupes, voire les deux, toujours est-il que le prix de l’énergie sous toutes ses formes flambe, et celui des matières premières explose. Certes, si les exportations en provenance de Russie, principal pourvoyeur de gaz vers l’Occident (près de la moitié de l’approvisionnement des pays de l’UE) et deuxième exportateur mondial de pétrole brut, et d’Ukraine, qui est, avec la Russie, le « grenier à céréales de l’Europe », sont très perturbées, on peut légitimement se demander pourquoi certains produits ont commencé à se raréfier dès le début de la guerre pendant que d’autres voyaient leur prix augmenter tout aussi soudainement.

Si les conséquences sur le court terme sont déjà pénibles, les festivités sur le moyen et le long terme s’annoncent tout aussi réjouissantes. En effet, si l’Ukraine est le premier producteur mondial de tournesol et premier exportateur mondial d’huile de cet oléagineux, la Russie est, pour sa part, le premier exportateur mondial de bois et le second d’aluminium. Elle représente également 15% de la production mondiale de platine, de titane et de nickel, et fournit près de la moitié de la production mondiale de palladium -dont le cours dépasse aujourd’hui celui de l’or- utilisé non pas pour fabriquer des milliers d’armures d’Iron Man, mais dans l’industrie automobile (pots catalytiques) et pour les connecteurs électroniques (smartphones, ordinateurs…)

Quant aux agriculteurs, ils payent leur dépendance à l’engrais azoté qu’ils utilisent pour fertiliser les sols et dont la Russie est le premier exportateur mondial… Et même l’engrais fabriqué hors de Russie est impacté puisqu’il est obtenu à base de gaz importé de… Russie. Du coup, les prix du fertilisant atteignent des sommets, ce qui, forcément, aura des répercussions brutales et importantes sur le coût final des céréales, fruits, légumes, vin…

Reste donc à renforcer l’indépendance énergétique de l’UE, qui, on le voit dès qu’un événement géopolitique majeur survient, montre toutes ses limites. L’UE importe en moyenne plus de 60% de l’énergie qu’elle consomme et certains de ses pays membres comme Malte, le Luxembourg ou Chypre, presque la totalité !!! Bien sûr, un pays à lui tout seul ne peut se suffire à lui-même, mais n’est-ce pas le rôle de l’UE que de s’efforcer de réduire cette dépendance envers des états tiers, souvent autoritaires, afin de ne pas se retrouver dans la position quasi intenable dans laquelle nous sommes aujourd’hui ?
Les énergies renouvelables sont déjà une partie de la solution, pour le reste, l’Europe, avec sa superficie de 4 millions de km2, devrait pouvoir fournir à ses 450 millions d’habitants les 3/4 de leurs besoins énergétiques, comme parviennent d’ailleurs à le faire les Américains. D’ailleurs, ces derniers, toujours prompts à tirer avantage de toutes les situations, proposent, pour pallier la défaillance à venir de la Russie envers l’UE, d’accentuer la production d’hydrocarbures issus de la fracturation hydraulique dont le coût était jusqu’à présent plus élevé que celui des hydrocarbures « traditionnels ». Une tendance qui est en train de s’inverser rapidement avec la flambée des cours du brut et du gaz. Cette méthode, qui consiste à « fracturer » la roche en injectant un fluide pour en extraire le gaz ou le pétrole qu’elle contient, est très contestable et très contestée car gourmande en eau et fortement polluante pour les écosystèmes et les nappes phréatiques, voire même toxique à terme pour la population. Pour mémoire, au cours des années 2010, Total avait voulu tenter l’expérience en France, du côté des Cévennes gardoises notamment, provoquant un tollé et une levée de boucliers de la population et des élus. Le groupe pétrolier avait dû renoncer suite à l’abrogation définitive en 2016 des permis d’exploitation qu’elle avait obtenus en 2010.

Au final, en refourguant, comme dans les années 50, l’essentiel de leur surproduction à une bonne partie de la planète, les Américains vont une nouvelle fois sortir grands gagnants d’une guerre qui ne les aura pas touchés physiquement mais dans laquelle ils auront encore été très « actifs ».

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